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Durant la quatrième République, à une date indéterminée, l'ancien président du conseil Emile Beaufort (Jean Gabin) est de nouveau dans l'actualité à la faveur d'une visite d'un ami paradoxal: le premier ministre Britannique, apparemment inamovible, a développé des rapports de complicité avec celui qui fut son pire ennemi... L'occasion pour le Président, comme on l'appelle encore selon le protocole, de ressasser ses souvenirs, en particulier ceux liés à la personnalité de son ancien directeur de Cabinet, Philippe Chalamont (Bernard Blier), justement pressenti pour être le prochain chef du gouvernement...
Inspiré d'un roman de Simenon écrit en 1957, le film est indissociable de son contexte: la quatrième république, vu depuis notre régime présidentiel (dans lequel nombre de béotiens se croient exemptés de l'obligation de leur devoir électoral quand le scrutin est municipal, départemental, régional ou Européen), est finalement assez exotique: c'était, comme la troisième du reste, un système entièrement lié à l'assemblée nationale, où se faisaient et se défaisaient les gouvernements. L'homme fort du pays était, comme en Grande-Bretagne encore aujourd'hui ou en Italie, le président du conseil; nommé par le président, il devait d'abord être le chef d'une majorité, et rares sont ceux qui ont eu la chance d'être dotés de majorité absolue.
Du coup, c'était la valse des gouvernements: c'est ce qu'on voit dans le film: deux périodes vont être illustrées par des flash-backs: d'une part, une dévaluation, sujet sensible, décidée par le Président Beaufort mais objet d'une trahison; d'autre part une crise au moment où Chalamont, devenu député, s'oppose à Beaufort au sujet d'une utopie, la création des Etats-Unis d'Europe. Le grand oral de Gabin, pour utiliser une stupidité à la mode... L'occasion pour le "Président" de fustiger les politiciens de plus en plus affairistes, clientélistes et professionnels...
Le film est, à la fois, du pur Gabin et du pur Verneuil. L'un au service de l'autre, doté d'un parterre d'acteurs qui le mettent en valeur en permanence. On râlerait, mais ce serait pour la forme: c'est Gabin et il est très à l'aise dans ce personnage de vieux lion encore rugissant, qui se délecte de son pouvoir de nuisance face aux médiocres, incarnés bien évidemment par Blier. Audiard s'amuse mais pas trop, ce qui est généralement une très bonne nouvelle, et bien sûr, entre lui, Simenon et Gabin, il fallait s'attendre à ce que la politique en prenne pour son grade. Verneuil s'est fait plaisir dans les scènes d'assemblée, ça se voit, avec des mouvements de caméra lents et précis, et Gabin s'est glissé dans la peau d'un composite de Clémenceau (la verve, le côté incontournable, la fibre de gauche souple), d'Aristide Briand (l'obsession fédératrice à des fins pacifiques) et de Jaurès, ou de "ce pauvre Jaurès", comme il l'appelle (l'anti-colonialisme fervent)...
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