/image%2F0994617%2F20210925%2Fob_4a6254_adlfdm.png)
Ce court métrage de 15 minutes est particulier à plus d'un titre: d'une part, le titre ne doit pas nous induire en erreur, il ne s'agit pas d'une fiction fantastique mais d'un documentaire sur le cinéma, et plus précisément sur le film La fin du monde qui se tournait entre 1929 et 1931, soit à la charnière du cinéma muet et du parlant... Gance y continuait à encourager la confection de films documentaires qui montraient l'artiste au travail, et comme l'artiste n'était pas vraiment modeste, on comprendra aisément que de son point de vue il s'agissait de capter l'Histoire en marche...
Seulement Eugene Deslaw, cinéaste Ukrainien qui a fui la Révolution de 1917, est un artiste lui aussi, attiré par le pouvoir de surprise du cinéma, et son terrain de prédilection est un cinéma qui confine à l'abstraction en gardant une tendance à montrer au spectateur ce qu'il n'attend pas, en se basant sur la mécanique, l'industrie également... Ce court métrage (dont le générique ne parle pas de mise en scène, mais nous indique "monté par Eugene Deslaw) ajoute à la particularité en se basant sur une généreuse banque d'images tournées par Gance lui-même: des bouts de tournage, des essais, des brouillons... et probablement des images qui n'ont jamais été intégrées au film fini car ce court métrage, sorti en 1930, nous documente en fait le tournage d'un film qui ne sera jamais sorti tel que son auteur l'avait voulu. Et plus encore: La fin du monde est en fait sorti un an après la diffusion (confidentielle) de ce court métrage.
Autre particularité, le film de Gance allait incorporer le son, c'est d'ailleurs un défaut dans la mesure où Gance, pas préparé, a très mal géré cette partie du film: le court métrage, du coup, est mi-muet mi-parlant... Littéralement: quant une scène est sonore, le son fait irruption d'un coup. Quand c'est muet, le son disparaît purement et simplement. Cet aspect joue bien sûr de la stratégie de surprise, et est bien plus séduisant que la bouillie sonore proposée par Gance. Mais il nous permet aussi de voir Antonin Artaud (absent du montage final) interpréter "Malbrough s'en va-t-en guerre" dans un kaléidoscope mal foutu, avec des effets d'écho plutôt terrifiants... Il nous montre aussi des extraits des séquences ouvertement érotiques planifiées par Gance pour son orgie filmique, bien sûr absentes du produit fini, et il finit par nous montrer qu'en 1930, on pouvait en effet prévoir avec La fin du monde un film hors-norme, génial, ou...
Navet.
Vous l'aurez compris, ce court métrage de quinze minutes est bien meilleur que le curieux film de science-fiction raté dont il se fait l'illustrateur.