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1 octobre 2021 5 01 /10 /octobre /2021 19:13

Désespéré après l'accident qui a coûté la vie à sa femme et son enfant, le lieutenant de police Pharaon de Winter (Emmanuel Schotté), arrière-petit-fils du peintre du même nom, vit avec sa mère, sort souvent avec ses amis, un couple: Joseph (Philippe Thullier) et Domino (Séverine Caneele). Il a envie de Domino, et elle en a conscience, mais elle continue à la laisser évoluer autour d'elle parce qu'il lui inspire de la pitié... Mais aussi, De Winter, sous les ordres d'un commissaire pète-sec, enquête sur un crime odieux: on a retrouvé le cadavre du d'une pré-adolescente, violée puis tuée. 

Dès le départ il me faut parler d'une sorte de tactique d'agression utilisée par Dumont: la première séquence nous montre De Winter, qui erre dans la campagne comme un fou, il est vrai qu'il est fou: de douleur. Il court puis se jette sur la terre humide... Le soupçon, parfois, qu'il ait quelque chose à voir avec le meurtre, nous prendra parfois, et c'est bien normal... Le titre, après tout, est L'humanité et à tout prendre, Pharaon De Winter est un humain. Doté d'une forte empathie, d'une immense tendance à la compassion et d'un très fort besoin... De tendresse, de câlins, quoi, ce qui va pousser Domino à mal lire en lui et lui proposer, un peu trop crûment, de la caresser...

Puisqu'on en parle, et même si chez Dumont c'est assez fréquent, on verra à trois reprises Domino et Joseph dans leurs ébats, et si la passion semble parfois y être, ce qui est frappant, c'est à quel point le cinéaste évite justement de s'appesantir sur la plastique de la sexualité. Non qu'elle soit bestiale, non, mais cette représentation crue, encore, de l'acte, qui donne souvent l'impression d'avoir été réellement effectué devant la caméra par des acteurs qui n'ont pas beaucoup de possibilités de lui échapper, est surtout anatomiquement correcte. Comme l'est la présence de deux citations de L'origine du monde de Courbet; la première fois, c'est particulièrement choquant, et c'est à nouveau une agression: c'est la fillette qui est morte, le vagin ensanglanté... Un plan que très honnêtement on n'avait pas envie de voir. La deuxième fois fait écho à la tentative gauche de Domino, et cette fois c'est elle qu'on voit dans cette impudique position... 

Mais chez De Winter, qui enquête et tente de survivre à son chagrin, lentement, mollement même, l'empathie et la recherche d'un contact rassurant passe parfois par des extrêmes, ainsi quand ses investigations professionnelles le mènent dans une institution psychiatrique, il sollicite un peu de tendresse de la part d'un soignant, qui s'exécute. Puis quand il fait face aux coupable de crimes, il a une réaction étonnante: la caresse, pour un dealer qui a l'air de ne pas en revenir... Puis face au violeur une fois attrapé, De Winter lui roule un patin... 

Là encore, la provocation l'emporte chez Dumont, qui échappe par ces divers à-côté au naturalisme de son film précédent. En De Winter il semble avoir trouvé une boule de compassion, un homme avec trop d'amour à donner et qui n'a plus personne à qui le donner, mais aussi un nouveau "Jésus" un peu plus explicite que celui de l'énigmatique titre du premier film de Dumont... Le film, tourné une fois de plus dans le Nord avec des acteurs non professionnels (et le principal d'entre eux a probablement été choisi pour sa gaucherie et sa lenteur, qui envahit tout le film), est énigmatique même si sa recherche difficile d'épiphanie, d'élévation et de sacré passe par des énigmes parfois séduisantes, à travers cet étrange personnage, hanté par la mort, amoureux d'une ombre, descendant d'un peintre et habitant dans une rue qui porte son nom, puisque ce peintre était local et célèbre... Moins abouti, plus ambigu que La vie de Jésus, L'humanité trouvera lui aussi un écho dans l'étrange et plus burlesque P'tit Quinquin, 15 années plus tard. Il n'a, en attendant, pas encore livré tous ses secrets...

 

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Published by François Massarelli - dans Bruno Dumont