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4 décembre 2021 6 04 /12 /décembre /2021 10:47

Okajima (Tokihiko Okada) travaille dans une compagnie d'assurances de Tokyo, où la prime annuelle va bientôt être distribuée. Au milieu de a fébrilité ambiante ( le bonus est bien plus avantageux qu'anticipé) il remarque un vieil employé prostré: il vient d'être mis à l'écart. Okajima, poussé par les autres, va se plaindre du traitement réservé à son collègue, et est licencié. Commence alors pour lui la galère de devoir trouver un travail alors qu'il est trop qualifié, l'humiliation pour lui et sa famille quand il doit accepter des travaux indignes, et finalement l'entraide des anciennes fréquentations universitaires...

Et pourtant c'est bien une comédie, assez typique de la façon dont Ozu traite de la vie quotidienne avec un regard inspiré de Harold Lloyd, son idole! La vie de tous les jours ne vient malgré tout pas en droite ligne de Safety last, ou de Hot water, deux films qui restent fermement optimistes, mais plus d'une lecture subtilement contestataire vis-à-vis du capitalisme triomphant adopté par le Japon impérialiste... Le patron d'Okajima est montré classant des bagues de cigare de sa collection avant de se livrer à un licenciement sec: Ozu charge le patronat, d'une façon étonnante, et qui lui passera d'ailleurs assez rapidement, pour adopter en permanence le point de vue d'un homme victime de comportements plus que de circonstances... On n'est pas non plus devant un pamphlet communiste, le licenciement d'Okajima étant après tout provoqué par la vindicte syndicale des collègues, qui le poussent à agir tout en s'écrasant!

Mais cette lecture sociale ne fait de toute façon absolument pas de ce classique, l'un des meilleurs films muets de son auteur, un brûlot. Son propos est plus d'étudier avec sa caméra placée au plus près des hommes et des femmes, l'effet de l'embarras sur les gens, la façon dont les dispositions économiques défavorables s'insèrent entre les gens et le bonheur. Okajima chômeur devient irascible, colérique, perd patience avec ses enfants; Mme Okajima ne comprend pas que son mari s'abaisse à accepter de devenir homme-sandwich, par exemple... 

Tout cela n'empêche pas les gags, comme une ouverture très chorégraphiée avec une revue de détail à l'université (tous les étudiants y portent un uniforme) effectuée par un professeur excentrique (Tatsuo Saito, très présent à l'époque dans les films d'Ozu), puis une séquence enlevée et osée, où les toilettes communes deviennent le seul endroit où les employés peuvent aller compter les sous de leur prime! La dernière partie permet au professeur facétieux de revenir et au ton de redevenir léger, mais on ne s'y trompera pour autant pas: quand Okajima retrouvera du travail, ce sera pour quitter Tokyo, déraciner sa famille et affronter l'inconnu. Toute opportunité a sa part d'ombre...

Pour finir, la petite fille aperçue en haut sur la gauche de la photo, n'est autre qu'Hideko Takamine (1924 - 2010), actrice qu'on retrouve souvent chez Mikio Naruse, et qui fera jusqu'aux années 70 une belle carrière...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Yasujiro Ozu 1931 Criterion