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Attention, cette critique par ailleurs positive d'un film somme toute fort sympathique, dérape sur la politique, mais ce n'est pas ma faute: c'est la politique qui a commencé...
Réalisé par une cinéaste un rien miliante (son autre oeuvre notable est le théâtre d'une confrontation entre Mary Stuart et la reine Elizabeth), on aborde ce film avec de gros préjugés: c'est une oeuvre commémorative Anglaise... Autant dire qu'on l'anticipe comme un produit de pur académisme. Mais il y a de sérieuses qualités, la moindre n'étant pas sa saine pédagogie qui à la fois évite de diaboliser systématiquement les hommes, tout en nous rappelant les échanges de vues au ras des pâquerettes de l'époque:
pour commencer, un peu d'histoire: au début du XXe siècle, la lutte des femmes pour acquérir le droit de vote s'est intensifié sous l'influence d'un certain nombre de femmes de la bourgeoisie, dont la plus en vue était Emmeline Pankhurst. L'idée était simple, et tenait en deux points: après des décennies de réclamation politique par une bourgeoisie qui se refusait à mettre les mains dans le cambouis, il était temps de passer à l'action ("deeds, not words", donc "des actes, pas des paroles"); d'autre part, il fallait étendre cette lutte à la rue, donc aux femmes de la classe populaire...
C'est l'intérêt de ce film, vu au travers des yeux d'un témoin, Maud Watts, une jeune femme (Carey Mulligan) qui travaille dans une blanchisserie et qui en 1912 sait exactement ce qu'est faire partie d'une sous-classe de la société post-Victorienne. Elle n'est pas une militante au départ, comme une majorité des femmes de la classe ouvrière (qui se sentaient méprisée aussi bien par les hommes que par les femmes de la bourgeoisie). Sa conversion est mûrie, logique, et intéressante: Sarah Gavron a fait un film où on évite les longues diatribes sensées expliquer tout ce qui compte au public, et on lui en sait gré: "deeds, not words"... c'est donc par leurs actions qu'on découvre la quête des Suffragettes, et notamment lors d'une scène inaugurale, par un spectaculaire jet de pierres. Le fonctionnement politique du W.S.P.U. de Pankhurst (Meryl Streep) est représenté, et le film culmine dans une scène brillante, qui reconstitue un fait divers largement accessible dans les médias: le Derby de 1912, où une Suffragette, Emily Davison, s'est illustrée d'une façon radicale.
C'est à porter au crédit du film d'avoir su mêler la fiction (Maud) et la réalité (ses copines sont toutes inspirées de Suffragettes historiques), et de nous avoir rappelé cette époque durant laquelle les prisons Anglaises pour femmes étaient munies d'une unité de gavage pour lutter contre la grève de la faim des détenues. A la fin du film, un rappel cruel des dates d'obtention du droit de vote pour les femmes...
Cruel puisque pour certains, ce n'est pas encore fait; cruel aussi pour le tout petit pays d'Eric Zemmour, où il a fallu attendre deux décennies de plus qu'en Grande-Bretagne, et où la seule femme première ministre est quasiment tombée dans les poubelles de l'histoire, pendant qu'un peigne-cul candidat à la présidentielle, soutenu par un nombre inquiétant d'oublieux, se pavane à la télévision en dénonçant ce qu'il appelle la dictature féminine. Connard.
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