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13 février 2022 7 13 /02 /février /2022 08:36

2045: l'humanité se repose énormément sur ses AI et autres robots du quotidien; d'un côté, les foyers dépendent de leurs domestiques mécanisés, depuis le compagnon électronique des enfants jusqu'à la bonne (Claude Perron) en plastique avec circuits intégrés... La sécurité extérieure est confiée à des androïdes ultra-perfectionnés, les Yonix (François Levantal). Dans la maison d'Alice (Elsa Zylberstein), celle-ci reçoit un prétendant assez entreprenant, Max (Stéphane De Groodt) et son fils Léo (Elie Thonnat), quand son ancien Mari Victor (Youssef Hadji) débarque avec sa secrétaire au QI de poule d'eau (Claire Chust) et Nina (Marysole Fertard), la fille qu'Alice et Victor ont adoptée. Ne reste plus à Françoise (Isabelle Nanty), la voisine qu'à apparaître et tout le monde sera là: les robots d'intérieur décident d'enfermer tout le monde, suite à une révolte extérieure des Yonix. Seulement tous ces gens n'avaient pas forcément envie de passer tant de temps ensemble...

On l'attendait depuis 9 ans, depuis la sortie dans l'indifférence générale de T.S. Spivet. Mais Jeunet retourne donc à la comédie et aux comédiens français, en compagnie du fidèle Guillaume Laurant, qui a collaboré avec le metteur en scène à des degrés divers depuis 1995 et La cité des enfants perdus... L'intention, affichée durant les quatre années de genèse du film, était de railler l'obsession technologique actuelle, la dépendance aux gadgets et la perte d'humanité qui en découlerait: un sujet en or pour Jeunet, finalement, qui a toujours flirté avec ce sujet sous diverses formes: steampunk avec La cité..., réalisme poétique des années 90 avec Delicatessen, et même dans Un long dimanche de fiançailles, il traitait de la première guerre mondiale comme d'un fléau technologique déshumanisant. La perspective d'un groupe humain uni dans l'adversité technologique était également alléchante pour qui avait vu le tendre Micmacs à tire-larigot...

Mais Jeunet a été rattrapé par son époque, et si le film s'est fait effectivement grâce à Netflix d'un côté, grâce aux nouvelles technologies de pointe en matière d'infographie (ce qui est assez ironique, en vérité) de l'autre, le fait est que le budget a manqué. Tourné en studio, le film ne bénéficie pas non plus toujours d'être un huis-clos (même si ça reste l'un des sujets du film...), à plus forte raison avec des personnages que pour la plupart on a tendance à détester cordialement, voire sans aucune cordialité pour certains. On appréciera finalement beaucoup plus la bande des robots domestiques, qui sont tous plus intelligents et sympathiques, et dont on se demande, au vu de leurs "maîtres", pourquoi ceux-là peuvent bien rêver d'être humains: ah, au fait, le fidèle André Dussolier est là, avec sa voix, et Dominique Pinon aussi, mais sans ses yeux.

Donc cette fois, derrière la boîte à gâteaux (sans gluten et probablement labellisés vegan), on voit quand même un message assez narquois sur le devenir de l'humain... Et aussi sur la vie en plein confinement, bien sûr: car dans ce film réalisé par Jeunet derrière un masque, ce n'est sans doute pas un hasard si à l'issue d'un confinement de fait, la première blague tentée par Einstein (André Dussolier) est un petit canular autour d'un résurgence du Covid!

Sinon, il y a comme d'habitude une femme-enfant, la représentation d'une sexualité bruyante, tellurique et contrariée, des blagues à deux balles assumées (une vache demande à un âne son nom, "Bob", dit l'âne), des dialogues qui tentent d'être inventifs, et le sont parfois, deux amoureux qui seront la clé de voûte de l'ensemble (les deux petits, Léo attaché au futur, et Nina obsédée par le passé), des inventions mécaniques conçues et montrées avec amour, et une affection sans borne pour le cinéma d'antan (pêle-mêle, référence à Raimu, un extrait du Club des soupirants, de Maurice Gleize, vu sur un écran, allusion -inévitable- à 2001 de Kubrick, et un dialogue des Enfants du Paradis, dans une séquence désynchronisée, comme presque tous les dialogies entre amants du film). On aura aussi, bien entendu, des enchaînements loufoques, des décrochages dus aux copains, apparition de Dominique Pinon avec la complicité d'Isabelle Nanty, et Albert Dupontel en fou furieux à la télévision...

...mais peut-être le metteur en scène a-t-il un peu trop serré son budget, et c'est triste à dire: ça ne lui va pas du tout... Va et peut-être un enthousiasme un peu excessif face à un film qui est quand même en deça de ses oeuvres majeures, malgré une invention technique et un savoir-faire de tous les instants.

 

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Published by François Massarelli - dans Jean-Pierre Jeunet Comédie