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Pierre Gilieth (Jean Gabin) a tué un homme... Il trouve un temps à se cacher à Barcelone, mais sait qu'il va bientôt devoir fuir, et s'engage dans la Légion Etrangère. Il y rencontre des copains, et se révèle assez rapidement un bon soldat; il va même rencontrer l'amour sous les traits de la petite Aïcha (Annabella), mais il y a aussi le mystérieux Lucas (Robert Le Vigan), engagé juste après lui, un gringalet qui va pourtant réussir à s'imposer auprès du recrutement: riche, bon camarade et un peu trop sympathique, Gilieth acquiert très vite la certitude que Lucas est en fait à ses trousses, attiré par une récompense gourmande...
De même qu'il allait quelques mois plus tard réaliser le film "Algérois" typique, avec Pépé le Moko, La Bandera est pour Duvivier l'occasion de réaliser le film de légion ultime: à l'écart d'une certaine noblesse romantique qu'on retrouvera dans les multiples versions de Beau Geste mais aussi ses parodies, ce film nous propose une vision certes romantique, mais qui a les pies bien sur terre: les hommes y sont au bout du rouleau, ont tous un passé douteux, et certains parmi eux sont des sortes de morts-vivants: Pierre Renoir est un capitaine tellement lessivé, qu'il va provoquer un soldat qui le hait (Gaston Modot): quand celui-ci ne le tue pas, Renoir lui colle une punition pour avoir dit à qui voulait l'entendre qu'il allait tuer son supérieur, et une autre pour ne pas l'avoir fait! Gabin incarne à merveille un rôle de dur à cuire revenu de tout et qui renaît sous la double influence de la forte camaraderie (Raymond Aimos est ici l'indispensable titi Parisien qui lui sert de meilleur pote et l'alchimie entre eux est remarquable) et de l'amour d'une femme... C'est d'une certaine façon le prototype de beaucoup de personnages similaires pour l'acteur, qui était en passe de devenir un collaborateur régulier du cinéaste.
Cela étant, le film coche un peu toutes les cases du genre (Bouges, bordels, officier borgne, alcool, la camaraderie masculine qui emporte tout sur son passage, etc...), en ajoutant l'impeccable flair de Duvivier pour le sordide, et des dialogues dus à la collaboration du cinéaste avec Charles Spaak: ils sont d'ailleurs excellents, et un rien grossier, cela va sans dire. Le film est avant tout un divertissement, un film de genre qui finit mal conformément aux habitudes du metteur en scène.
Comme c'est très souvent mentionné, mettons aussi les choses au point: non, ce film n'est pas une apologie du fascisme Espagnol de Franco: le général était à l'époque du tournage, certes, déjà attiré par le fascisme, participant à de l'agitation politique de droite; mais il était aussi un officier assermenté de la république Espagnole au moment où Duvivier avait besoin de l'aide des autorités locales pour la logistique de la production; l'aide en question lui a été fournie, et le metteur en scène a donc dédié son film à celui qui avait été son interlocuteur... J'imagine qu'il a du s'en mordre un peu les doigts au moment de l'instauration de la dictature... Les copies disponibles aujourd'hui sont souvent amputées de cette mention finale, ce qui n'a en soi rien de très gênant, le film restant par ailleurs tout à fait intact.
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