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27 mars 2022 7 27 /03 /mars /2022 09:07

Juin 1940, du côté de Tours: on s'apprête à exécuter Clément, un syndicaliste responsable de la mort d'un policier, quand un bombardement Allemand déjoue cet assassinat légal. Clément (Jean Gabin), seul rescapé de l'attaque, s'enfuit sans demander son reste. A la sortie de la ville, il monte dans un camion occupé par une troupe de soldats français qui se replient vers Bordeaux... Le camion est la cible d'un autre bombardement dont une fois de plus Clément sera l'unique rescapé. Il "emprunte" l'uniforme et les papiers d'un mort, et devenu Maurice Lafarge, va devenir un soldat parmi d'autres, forcé de partir, réfugié en Afrique, puis héros exemplaire... Mais le passé a le don de ne jamais vous laisser tranquille...

C'est sur un script de Duvivier lui-même que le film s'est fait, à la Universal, et manifestement il s'est monté sur le prestige de son metteur en scène et de sa star... Gabin qui est d'ailleurs beaucoup plus à l'aise en Anglais (apparemment du moins) qu'on ne l'aurait cru! Le point de départ est du pur Duvivier, qui commence par un petit matin blême avant d'envoyer bombe sur bombe sur ce pauvre Clément qui n'en demandait pas tant... Mais l'insoumis, le révolté du début, qui ricane bien fort quand on lui envoie un prêtre pour prendre sa confession avant de se faire décoller, se transforme assez vite en un héros de la nation, au contact des hommes, du danger, et d'une adversité plus grande que les idéologies. C'est bien évidemment le coeur du film, sa dimension de propagande: c'est à la fois son univers spécifique et sa limite.

Mais Duvivier comme Gabin sont dans leur univers eux aussi, un monde qui renvoie un peu à La Bandera avec cette idée d'une fraternité des soldats qui les met à égalité, quel que soit leur passé, et à La Belle Equipe, avec ce campement de fortune à "De Gaulle-Ville" qui se transforme très vite en un paradis pour les hommes qui s'y ressourcent et cultivent leur amour de la liberté. Si on a vu La Belle Equipe, forcément, on sait où ça va... Mais le but du film n'est pas d'assumer la noirceur de la vie, plutôt de montrer l'importance de la donner pour les autres!

Ca reste un film assez accessoire, donc, tout à fait distrayant, mais totalement générique, un film "Français" fait à Hollywood, avec des héros qui s'appellent Bouteau, Varenne, Monge et Lafarge! Des héros qui tous chantent les louanges de la France éternelle sans jamais se battre ni râler: comment voulez-vous qu'on puisse croire qu'il s'agisse de français? Gabin fait du Gabin, depuis le condamné à mort jusqu'au héros, sorte d'union sacrée à lui tout seul: le manifestant anti-policier, le héros décoré. Une scène de dégradation bénéficie de toutes les attentions du metteur en scène, qui nous montre chaque étape de cette cérémonie si particulière, et sinon on regrette que les éventuelles pistes de complication pour le personnage de Clément/Lafarge (un soldat qui connaissait le vrai Lafarge et la fiancée de ce dernier) soient finalement expédiées au profit du souffle de la propagande...

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Published by François Massarelli - dans Julien Duvivier