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Deux adolescents d'un lycée public Américain font de la musique ensemble: Kevin (Jaeden Martell) est batteur, ou du moins souhaite le devenir, et Hunter (Adrian Greensmith) est guitariste passionné de Metal. C'est lui qui est à l'initiative de la création du groupe, qu'il a baptisé Skullfucker, et il entend bien amener sa musique jusqu'au succès. Mais d'une part, les deux garçons font partie des parias de leur établissement, et d'autre part ils ne sont pas très bons, sans parler du fait qu'ils n'ont pas de bassiste... Mais c'est en entendant un jour une interprétation d'un concerto de Bach pour violoncelle, dans les salles de répétition du lycée, que Kevin rencontre Emily, une jeune Ecossaise disons, "différente"... Il va essayer de la recruter, contre l'avis de Hunter obsédé par la pureté Metal de sa musique et de son image. Le groupe Skullfucker sera-t-il prêt à temps pour participer au tremplin rock organisé dans l'établissement scolaire, et dont le groupe de pop mollassonne Mollycoddle est pour l'instant le grand favori? Et sinon, Kevin et Hunter mourront-ils vierges?
La dernière question est sortie directement du film, car rappelons-le, tout film de lycée même interdit aux moins de treize ans (ce qui correspond aux Etats-Unis et sur Netflix a un épisode du Manège enchanté dans lequel Zébulon prononcerait probablement le mot "fesse") finit par poser cette question, en suivant habituellement l'une des deux trajectoires suivantes: d'une part, un groupe d'adolescents s'unit autour d'un spectacle, triomphe de l'adversité tout en réussissant leurs études comme des killers, c'est ce que j'appellerai le chemin Disney. Sinon, l'autre solution, c'est d'imaginer que des adolescents qui sont des losers absolus vont tenter de monter un spectacle, y réussir, et ce sera tellement trash qu'on les virera probablement mais à la fin ils réussiront quand même leurs études. Dans ce deuxième cheminement, que j'appellerai le chemin Trash, on se différenciera du cheminement Disney en utilisant un nombre important de fois le mot fuck, sans pour autant battre le record établi par Martin Scorsese.
Et la bonne surprise c'est que ce film sympathique ne suit aucune des deux trajectoires, sans pour autant ressembler à Euphoria (il ne faut quand même pas trop en demander, et au prix où est la prothèse de pénis en érection, le budget de cette petite production ne le permettait sans doute pas): on va suivre les aventures de deux personnes atypiques, rejetés par leurs pairs, mais qui vont trouver un chemin valide pour eux, gagner sinon le respect, au moins la tolérance des adultes, et trouvant le moyen... d'être à peu près normaux. Pas ici de délire satanique, et même si beaucoup des musiciens présents à l'écran ont une tendance à faire ce geste du plus haut ridicule qui consiste à lever simultanément l'index et l'auriculaire (un geste que de plus en plus de gens font quand vous sortez une guitare, il y a des baffes qui se perdent) pour signifier la nature diabolique de leur musique, au moins les ados présentés sont, finalement, terriblement normaux. Avec des insécurités, des émois, des erreurs aussi, d'ados. Ils sont tous très attachants, y compris les grands concurrents de Skullfucker, le groupe Mollycoddle (avec ses "trois accords par chanson, qu'ils ne sont même pas foutus de jouer correctement", et leur batteur qui est stoned 24 heures sur 24): car contrairement aux méchants d'un film de Disney, ils se comportent en gentlemen...
Le propos serait-il ailleurs? On constatera que dans ce film co-produit par Tom Morello, le guitariste qu'on ne présente plus, et co-écrit par le scénariste D.B. Weiss, de Game of Thrones, il est finalement beaucoup plus question d'insécurité face à l'amour et la relation affective, que de musique, même si cette dernière occupe une place prépondérante: en particulier, la relation d'amitié "inconditionnelle, mais..." entre Kevin et Hunter, et la relation bourgeonnante et intime entre Kevin et Emily, qui retient l'attention par sa douceur et les incertitudes qu'elle véhicule. Pas de binarité ici, c'est tout en nuances... Y compris dans un gros clash de jalousie entre Hunter et Emily.
Les interprètes sont excellents, y compris dans le rôle de musiciens: je ne sais pas dans quelle mesure, mais il est évident qu'ils jouent de leurs instruments de façon assez convaincante. Convaincante aussi, la façon dont un groupe est parfois très difficile à monter, comme le dit Kevin en voyant Mollycoddle jouer: ils font ça tellement naturellement, ça paraît tellement facile, mais comment on fait pour avoir des gens pour jouer avec soi, et pour coordonner les efforts de tout le monde? Convaincante aussi, l'audition désastreuse d'un bassiste, ou la difficulté de Hunter pour mémoriser et jouer tout un solo. On passera sur le fait (là, c'est du Disney) qu'un groupe dont les trois membres n'ont jamais répété ensemble puisse interpréter un morceau de façon convaincante devant un public chauffé à blanc, c'est la scène qui sert de point d'orgue à toute cette aventure.
Reste un film sympathique, qui nous montre juste les ados musiciens comme des gens qui n'ont pas forcément (trop) de problèmes psy, qui ne sont pas forcément attirés par les substances interdites qui rendent nigaud, pas forcément asociaux, et qui souhaitent juste se faire une petite place au soleil e faisant ce qu'ils aiment, et finalement ont bien du talent. On appréciera le moment qui fait intervenir dans le rôle de la conscience de Kevin, le guitariste d'Anthrax Scott Ian, le chanteur de Judas Priest Rob Halford, le guitariste de Metallica Kirk Hammett et bien sûr Tom Morello soi-même: alors que Kevin est en train de succomber aux assauts d'une groupie dans un jacuzzi, ils évaluent le pour et le contre en termes moraux. C'est gentiment rigolo...
Bref: la moralité du film, c'est, on s'en doute, que...
...il faut toujours se méfier des groupies dans un jacuzzi.
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