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Un dimanche... Joe (Robert Walker), un soldat en transit termine une permission à Ne York, d'où il doit s'embarquer deux jours plus tard pour une direction inconnue, probablement l'Angleterre... Il est coincé à la gare, dans la grande ville qu'il ne connaît pas et qui le dépasse. A la faveur d'un incident (il a causé la perte du talon d'une de ses chaussures) il rencontre Alice (Judy Garland), une jeune femme: il l'aide à réparer la chaussure, puis la suit dans un bus, puis ils se rendent dans un parc. De fil en aiguille, il se plaisent et se donnent rendez-vous sous une horloge, pour la soirée...Une soirée qui se prolongera le lendemain.
On pense un peu à Lonesome, de Paul Fejos, qui faisait se rencontrer deux personnes solitaires à Coney Island, alors qu'ils auraient du se rencontrer depuis longtemps et sont clairement faits l'un pour l'autre. Mais ici, le contexte est bien différent, puisque c'est la guerre, et si on croise souvent des gens en uniforme dans le New York du film, on sait que ces soldats, marins et autres, sont tous en sursis. Certains, c'est souligné à plus d'une reprise, vont se marier un peu à la hâte, et ce sera un coup de tête de deux jeunes gens qui n'ont trouvé que cette solution pour assumer leur attirance, mais se reverront-ils? C'est la grande question qui turlupine Joe et Alice, et à laquelle le film va répondre: s'aiment-ils, et doivent-ils se marier sur le champ, ou s'agit-il d'une envie passagère l'un de l'autre, et dans ce cas ne faudrait-il pas mieux passer son tour? On y pose donc la question de la définition d'un amour face au coup de foudre... Ce qu'une comédie, après tout, est souvent l'occasion de résoudre.
Minnelli, qui s'aventure pour la première fois complètement hors de la comédie musicale, a choisi de coller au plus près de ses protagonistes et de leur escapade de 48 heures. Les deux héros sont donc lâchés dans New York, un dimanche, et vont accumuler les expériences dans des endroits variés, en laissant de plus en plus libre cours à une complicité particulièrement évidente. C'est d'autant plus remarquable qu'ils sont à la fois totalement dissemblables (la femme qui travaille, venue de la cambrousse, certes, mais elle connaît fort bien la grande ville, et le soldat qui vient pour la première fois dans la métropole, et qui ne peut s'empêcher de regarder les gratte-ciels comme un gosse découvrant le pays des merveilles) et rigoureusement complémentaires... Les deux amoureux vont se découvrir à travers une épopée urbaine faite de petits riens: une visite au musée, où Joe par son enthousiasme à narrer une anecdote fait peur aux enfants, puis une conversation juchée sur le socle d'une statue (à chaque fois qu'un gardien s'approche, mine de rien, ils se mettent dans une position plus décente), une virée dans le camion d'un laitier (James Gleason), dont un pneu va éclater: en l'accompagnant pour téléphoner dans un coffee-shop, les trois auront un semblant d'altercation avec un poivrot...
Les lieux sont tous terriblement banals: musée, parc, restaurant, café, jusqu'au laboratoire où les deux amoureux doivent aller effectuer un test sanguin de fortune. Le mariage qui les unira le sera encore plus; et les autres protagonistes se diviseront en gens très affairés, qui sont autant d'obstacles, et des braves gens complices, qui ont repéré avant eux l'amour qui les guette... Et les circonstances (transports en commun, et temps qui passe) seront autant de bâtons dans les roues de Joe et Alice. Mais leur histoire d'amour, rendue sublime par sa banalité et sa simplicité même, prend une résonnance d'autant plus forte que les deux acteurs sont géniaux, de bout en bout. Judy Garland, petit bout de bonne femme d'abord irritée, puis amusée, sera charmée avant longtemps par sa rencontre avec le soldat. Et Robert Walker, stupéfiant de naturel, incarne la fragilité d'un homme qui vient de rencontrer ce qu'il n'attendait absolument pas: l'âme soeur...
C'est donc une merveille, qui anticipe sur les sommets non dansés et non chantés d'un très grand cinéaste, évidemment, et qui a bénéficié de toutes les attentions: Arthur Freed à la production, une photographie superlative de George Folsey (même les transparences réussissent à se faire oublier, et pourtant il y en a!). Et Minnelli, qui sait qu'il est en train de réaliser un film important pour lui, profite de l'occasion pour montrer de quoi il est capable: une ouverture et une conclusion calquée l'une sur l'autre, par un grand mouvement de caméra vers les gens qui s'affairent dans la gare pour commencer, et le mouvement s'inverse pour finir le film, ou encore un plan-séquence parmi d'autres, lorsque les trois "laitiers" se rendent au coffee-shop, où un homme saoul se lâche complètement dans une insupportable logorrhée (C'est Keenan Wynn)... C'est un mélo, c'est une comédie... Disons que c'est une mélodramédie et restons-en là, ça ne lui enlèvera de toute façon rien du tout: c'est un film formidable, c'est tout ce qui compte!
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