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24 juillet 2022 7 24 /07 /juillet /2022 17:49

Deux hommes venus de nulle part (enfin, presque: l'un vient de Kansas City, l'autre du Texas) arrivent au Wyoming par le train: Dempsey Rae (Kirk Douglas) a une longue expérience de cow-boy, pendant que Jeff (William Campbell) ne demande qu'à en acquérir une... Ils se font embaucher par le mystérieux patron du ranch "Triangle" qui vient de s'installer, et qui promet d'être un géant de l'élevage: on parle de milliers de têtes. Pour se protéger, et préserver les chances pour leur bétail de se nourri dans la prairie, les fermiers du coin commencent à se fournir en barbelés, ce qui déplait fortement à Dempsey Rae, attaché à une prairie ouverte à tous... Quand le propriétaire du Triangle arrive enfin, ses employés ont la surprise de découvrir qu'il s'agit d'une femme (Jeanne Crain). Très rapidement, celle-ci est déterminée à s'attacher la loyauté de Dempsey...

Dans les années 20, Vidor voyait grand et brassait les "grands sujets" avec des moyens impressionnants, en particulier pour The Big Parade. Ce film semble bien loin de ce style ramassé en moins de 90 minutes, tourné largement en décors naturels qui ne ressemblent pas tant qu'on le voudrait au Wyoming, situé nettement plus au Nord que les décors habituels du western, généralement trouvé plus près des studios. C'est un film Universal, avec une star particulièrement importante, donc là encore, on s'attendrait à ce que ce soit une oeuvre de commande.

En fait, il n'en est rien: Vidor, sans doute pour la dernière fois, retrouve un souffle et un lyrisme, et brasse de manière virtuose les grands thèmes westerniens: la marche inéluctable du progrès, de la civilisation, incarnée ici par un personnage très ambigu, celui de la patronne un rien carnassière qui se joue de ses employés et n'hésite pas à jouer de sa séduction. Pourtant, elle ne défie pas le bon droit, elle laisse avec plus ou moins de réticences ses employés le faire pour elle! Elle est opposée à l'éternel romantique Dempsey Rae, qui défend une conception plus libertaire de la prairie et de l'élevage, mais n'hésite pas quand il le faut à faire des choix inattendus pour préserver le bon droit: ainsi, malgré son aversion pour les barbelés, il va s'allier aux petits fermiers... Vidor s'attaque au mythe du cow-boy surhumain, à travers une scène qui montre Kirk Douglas se moquer des acrobaties auxquelles se livrent les maniaques de la gâchette. Le film pose aussi une réflexion sur la place des hommes et des femmes dans l'ouest, évalue le droit et la liberté la force et la loyauté, avec une dose de sensualité (Jeanne Crain et sa baignoire!) qui lui appartient, et qu'on a déjà vue à l'oeuvre dans tant de films... Et tout ça en ayant quand même choisi son camp: du côté du droit, certes. Mais du côté, aussi, du paria et de la prostituée (Claire Trevor, tiens donc!).

Et en plaçant tous ces éléments dans un western classique et rempli de scènes définitives, il signe son dernier chef d'oeuvre, pas moins.

 

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Published by François Massarelli - dans King Vidor Western