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Un mur sur lequel est indiqué l'interdiction d'afficher, est gardé vaillamment par une sentinelle... Mais deux colleurs d'affiche trompent sa vigilance et viennent coller une affiche qui vante le prochain spectacle du théâtre Robert Houdin. Un officier surgit et passe un savon au militaire qui s'est fait berner...
L'anecdote est courte et en apparence assez anodine. C'est la dynamique de la bonne farce qui est ici utilisée à des fins cinématographiques, un peu comme si L'arroseur Arrosé des Frères Lumière était soudain transposé dans un Guignol, puisqu'il y a un peu de la dynamique entre la fripouille et le gendarme dans cette histoire de deux colleurs d'affiches facétieux qui bernent un pauvre type en uniforme...
Mais on peut aller plus loin, et constater qu'en nous racontant cette histoire d'une façon simple et frontale (un plan, un décor, quatre personnages et une situation qui sont clairement identifiés) le réalisateur (un mot qui n'existait pas encore, je le rappelle) laisse le spectateur à ses propres interprétations, ses propres conclusions. En nous montrant un brave cerbère berné par deux hommes qui sont payés pour faire un travail, il se glisse un tantinet dans une posture qui permet de retrouver un aspect de la lutte des classes. En 1896, la Commune a 25 ans, et l'autorité est sans doute encore très clairement associée à la répression sanglante qui avait suivi. Méliès, dont les sympathies politiques allaient généralement vers la gauche, nous fait ici une charge politique subliminale.
Et en passant, il en profite pour glisser avec malice une publicité pour son établissement, ce qui nous rappelle qu'à l'époque de ces premiers films, Méliès est d'abord et avant tout le directeur du théâtre Robert Houdin, les activités cinématographiques en étant un vague prolongement. Ce qui ne durera pas.