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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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17 août 2022 3 17 /08 /août /2022 09:12

Ne dit-on pas d'une femme qui a eu des expériences sexuelles qu'elle "a vu l'ours"? Justement, ce film parle de nymphomanie et de Pyrénées, c'est une expression appropriée...

Surtout qu'Aurore Lalu (Sabine Azéma), elle l'a vu, l'ours...Avec son mari, Alexandre Dard (Jean-Pierre Daroussin), acteur comme elle, ils sont venus faire un séjour au fin fond des Hautes-Pyrénées, pour régler un problème: Aurore est devenue récemment nymphomane depuis un voyage à Rome, et non seulement Alexandre voudrait que ça cesse, mais aussi il voudrait la reconquérir, parce qu'affectivement ils sont au régime sec depuis trop longtemps... L'idée lui a été inspirée par un souvenir: quand il se sentait devenir un obsédé sexuel, à la fin de l'adolescence, une visite en montagne l'avait guéri, dit-il; il souhaite donc fournir cette possibilité à son épouse.

Seulement, la présence d'un ours (d'origine Bulgare, nous dit-on) va tout bouleverser, mais aussi aider considérablement le couple, qui dans l'ensemble tend plutôt à se défaire encore plus dès son arrivée en vallée de Troumouse... Privilégiée d'avoir vu la bête dès la première nuit, Aurore va singulièrement ressentir l'appel de la nature, et disparaître, vivant nue en "femme sauvage" durant quelques jours, ce dont Alexandre va découvrir que ça lui fait le plus grand bien...

Les frères Larrieu aiment bien opposer une certaine forme de fantastique à des crises (s)existentielles: ici, la rencontre avec un ours particulièrement faux (ce que les personnages eux-mêmes soulignent quand Aurore remarque qu'il "fait pipi debout") va aussi être accompagnée d'un certain nombre d'extases d'un genre plus sûrement spirituel (quoique) que sensuel, et une étonnante et loufoque transformation du couple qui échangent leurs corps sous l'impulsion de la foudre sera le point d'orgue de l'aventure. Et le tout se fait dans les Pyrénées, mais pas n'importe où: en vallée de Troumouse, où souvent nous apercevrons le Cirque du même nom; à Gavarnie, pour un autre Cirque plus célèbre encore. A Gèdre, situé un peu plus au nord, et même à Luz St Sauveur, grande station thermale située sous le massif d'Ardiden. Amoureux de leurs Pyrénées, les frères Larrieu réussissent à échapper à la carte postale en plantant un décor qui change constamment et en y plaçant deux touristes, acteurs de surcroît, tellement imbus d'eux-mêmes qu'ils ne remarquent rien. Comme le dit Alexandre à un moment (il se ravisera): "deux jours en pleine nature, ça suffit!"... 

Mais le film, comme 21 nuits avec Pattie ou Peindre ou faire l'amour, est une quête de soi, une sorte d'ode au laisser-aller, au mélange social et surtout une illustration rigolarde de la nature des acteurs, qui sont justement des gens qui ont oublié ce que c'est que d'être: confrontée à l'exacerbation extrême de son désir, Aurore ne sait plus qui elle est, et Alexandre, qui reste en contrôle, prononce chaque phrase comme s'il s'agissait d'une réplique dans une série de France 2 (ce qui, venant de moi, est tout sauf un compliment)... Mais la confusion des genres qui les attend, et qui les sauvera, était-elle vraiment si inattendue? Car dès les premières minutes, Alexandre lui-même dit qu'il "était nymphomane" en racontant ses vingt ans! Et le phénomène naturel qui va rabibocher les héros tout en les mettant sans dessus dessous, n'est-il pas un coup de foudre?

Il y a beaucoup de plaisir à prendre dans ce film de deux réalisateurs qui aiment eux aussi à se laisser aller, à semer le doute dans leurs films. Il apparaît assez clairement que le film ne s'est pas tourné sur une semaine, par exemple, le temps change brutalement dans la montagne, mais ici il est clair qu'on est situé entre la fin de l'été et le milieu de l'automne... Mais ils soulignent en permanence, par l'intrusion salutaire voire salace du loufoque (trois moines qui chantent les chansons les plus niaises de tous les temps, pour célébrer le fait d'avoir fait la rencontre de la "femme sauvage", et Sabine Azéma, vue au loin en faisant des galipettes, toute nue dans la nature), par des gags idiots mais efficaces (le pauvre Alexandre Dard, qu'on appelle "André Dussolier" à quatre reprises), et par un ton gentiment absurde (non seulement Aurore parle Bulgare sans crier gare, mais un cuisinier venu du Tibet pour s'installer dans le hameau d'Héas donne des champignons hallucinogènes à Alexandre, qui se rend compte que désormais il parle Tibétain...

Accessoirement, on verra ici les beautés et les charmes de l'un des plus beaux coins des Pyrénées, et ça me suffira toujours! Même quand les montagnes sont, littéralement, à l'envers, comme une façon ironique, justement, d'éviter l'effet "Carte postale".

 

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Published by François Massarelli - dans Arnaud, Jean-Marie Larrieu Comédie Mettons-nous tous tout nus