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Vers 1860, une famille bourgeoise arrive sur les bords d'une rivière qui aurait pu être la Seine, pour passer, le titre est clair, "un dimanche à la campagne"... Au programme, manger chez le Père Poulain (Jean Renoir), faire de l'escarpolette, pêcher, se coucher dans l'herbe et attendre tranquillement que la journée passe... Mais si pour M. Dufour (Gabriello) et son commis Anatole (Paul Temps), le principal intérêt de la journée est la perspective de pêcher, pour Madame Dufour (Jane Marken) dont les sens sont très éveillés, es deux veaux messieurs qui lui proposent, à elle et à sa fille Henriette (Sylvia Bataille), un tour en barque, sont nettement plus séduisants... Madame Dufour se retrouve donc en yole avec Rodolphe (Jacques Brunius), et Henriette avec Henri (Georges Darnoux)... Nous les suivons, alors que le jeune homme se lance, clairement, dans la séduction de la jeune femme...
Le film est incomplet, non qu'il y manque quoi que ce soit qui ait été tourné: il a tout simplement été laissé inachevé par les circonstances: d'une part, Renoir qui ne souhaitait pas réaliser un film très long (il a toujours dit qu'il le considérait comme l'affaire de trois quarts d'heure tout au plus) avait prévu un plan de tournage assez court, et d'autre part les conditions météorologiques, avec une vague de pluies très insistantes au mois de juillet, ont considérablement ralenti le tournage, dont seuls les extérieurs ont pu être tournés. De plus, au mois d'août, Renoir entamait la réalisation des Bas-Fonds, avec Louis Jouvet et Jean Gabin... Les derniers plans tournés au mois d'août l'ont été sous la direction du premier assistant Jacques Becker, qui a toujours refusé d'en revendiquer la paternité, estimant les avoir tournés selon les instructions expresses de Renoir. Le film n'a été monté qu'en 1946, alors que le réalisateur était aux Etats-Unis, et on peut déceler comme une certaine impatience de la part du réalisateur dans le petit film de présentation qu'il avait tourné pour lé télévision française dans les années 60, à propos de ce film qui lui a probablement échappé, et dont il ne pouvait pas à 100% revendiquer la propriété...
Et pourtant c'est un film totalement Renoirien, l'un des ses joyaux. J'ai souvent été déçu (pour ne pas dire très agacé) par le metteur en scène, et la propension d'une certaine frange de la critique à en faire une sorte de dieu indiscutable du cinéma Français, mais ici, c'est toute la saveur de son cinéma qui se fait jour: ses influences impressionnistes, évidemment, quand on est le fils d'Auguste Renoir, ça devient inévitable, même si entre Nana (1926) et ce film, il y eut pas ou peu d'occasions de le rappeler... Le cadre très XIXe siècle, aussi, qui vient bien sûr de la nouvelle de Maupassant, mais qui réussissait si bien à l'auteur de French Cancan...
Le ton naturaliste, Maupassant oblige, est renforcé par le fait que Renoir, qui a ici utilisé des décors intégralement existants, qu'ils aient été arrangés ou construits (mais je penche pour la première solution), était un admirateur d'Erich Von Stroheim... Dans ce conte noir où la séduction mène à l'amour, l'amour au péché, le péché au regret et le regret au malheur, où Sylvia Bataille éblouit l'écran de sa beauté et Jane Marken de sa coquinerie (face à ce pauvre balourd de Gabriello), Renoir a beau convoquer des faunes (le jeu érotique de Brunius qui tente de séduire Madame Dufour!), on débouche sur la tragédie du mariage arrangé, sur l'enfer d'une femme qui n'a pas eu son mot à dire avant d'épouser...
Un con.
...Bref, si j'ose dire: en quarante minutes, et en dépit des manques de l'intrigue, résumés hâtivement par des intertitres de circonstances, Renoir a réussi un concentré de son cinéma, lyrique, baigné de nature (les images de pluie, du coup sans aucune tricherie, la beauté solaire du noir et blanc en bord de rivière), qui nous montre un instantané qui vire du salace aux larmes... Tout comme le film de Borzage The river, dont il manque le début, le milieu et la fin mais qui est étrangement parfait en l'état, Une partie de campagne est en dépit de son inachèvement un joyau de son auteur, quelles qu'en soient les éventuelles scories (le jeu du type qui joue le père Poulain est vraiment atroce, mais pourquoi Renoir engageait-il parfois cet acteur qui gâchait ses films?)... Cette belle histoire d'un couple qui cède au désir et engendre les regrets est toujours aussi actuelle.
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