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23 décembre 2022 5 23 /12 /décembre /2022 08:58

Il semble que l'information qui circule autour de ce film de moyen métrage (on annonce 44 minutes pour la version originale, soit trois bobines) soit très incomplète... et le film aussi. Par contre la durée généralement admise, autour de 8 minutes, est à amender: sur l'anthologie des films Russes de Starewitch éditée chez Doriane, le film totalise près de 24 minutes... Mais il y a des sautes de continuité en particulier dans la première partie...

Le personnage principal du prologue est un usurier, et si à aucun moment on n'aura de référence explicite, un nom qui aurait pu nous mettre la puce nauséabonde à l'oreille, ou un élément culturel ou de mobilier qui puisse nous donner des indices, le maquillage du personnage renvoie aux traditions antisémites du roman, et du théâtre: Fagin (Oliver Twist de Charles Dickens) et Shylock (The merchant of Venice de William Shakespeare) ne sont pas très loin... Voilà, c'est dit, on reviendra hélas sur ce chapitre dans un autre film hélas... 

Un usurier, donc, voit sa fin proche et décide, n'ayant pas de descendance, de commanditer un portrait parce qu'il souhaite "vivre après sa mort"... Des années après sa disparition, un peintre talentueux mais sans le sou donne des derniers kopecks pour acquérir la toile, sans bien comprendre ce qui en motive l'achat. Il va en résulter des cauchemars, puis une malédiction: le tableau s'anime dans ses rêves, et lui laisse dans la réalité de l'argent: il va devenir riche, et perdre son talent dans la vie mondaine...

L'allégorie ici est bien sûr consacrée à la valeur d'un art, partagé entre la facilité et le goût d'un public futile (l'écueil dans lequel, sous l'influence du tableau, le peintre va perdre son âme), et un art de la souffrance, du drame, dans lequel un peintre perdra la vie et le confort plutôt que la dignité. Cette morale austère se trouve dans le conte initial de Nicolas Gogol, et donne lieu à des scènes d'angoisse et de hantise, dont le cinéma Russe avait le secret à cette époque lointaine!

Si on cherche la trace de l'animateur Starewitch, on la trouvera dans deux idées de mie en scène... L'une est simple et très efficace: pour signifier la mort du personnage de l'usurier et installer dans l'esprit du spectateur l'incertitude de sa fin et de son destin, un fondu enchaîné le voit littéralement se fondre dans le tableau effrayant qu'il a commandité. Puis une fois le tableau acheté et installé chez le peintre, celui-ci donne un petit coup de chiffon à l'austère toile, couvrant ainsi de sa stature la surface visible du tableau: Starewitch en profite pour utiliser le vieux truc de Méliès de l'arrêt de caméra, et effectuer une transition en douceur entre le tableau et la vision de l'acteur jouant l'usurier dans un cadre vide... C'est très réussi!

 

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Published by François Massarelli - dans 1915 Ladislas Starewitch Muet *