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17 décembre 2022 6 17 /12 /décembre /2022 23:22

Tony Hunter (Fred Astaire) était un grand nom du show business dan les années trente, mais il est fini... Lassé d'Hollywood qui est manifestement lassé de lui, il rentre à New York et retrouve ses amis les Marton: Lester (Oscar Levant) est compositeur et Lily (Nanette Fabray) écrit des paroles... Ils ont un projet énorme, une comédie musicale qui mettrait en vedette Tony, et qui serait mise en scène par le nouveau prodige de Broadway, Jeffrey Cordova (Jack Buchanan); celui-ci a des idées folles pour le spectacle, ce qui laisse Tony sceptique: une vision sombre, peu compatible avec le style de comédie musicale qui a rendu Hunter célèbre; une intrigue qui louche sur Faust... Et surtout une co-star qui pose un gros problème à Tony: Gabrielle Girard (Cyd Charisse) est en effet une ballerine, et pour le danseur de claquettes, c'est une source de complexes... 

Alors bien sûr que la vision délirante de Cordova sera un désastre, bien sûr que le couple Marton manquera de se déchirer sous la pression de l'intensité des répétitions, et évidemment qu'entre Hunter et Gabrielle, ça n'ira pas du tout, les deux ayant épouvantablement peur de l'autre, Gaby de la stature légendaire de Tony et Tony du savoir-faire de danseuse classique de Gaby... Ils ne s'entendront tellement pas qu'on n'aura aucune peine à voir l'alchimie amoureuse entre eux! ...et du désastre naîtra un succès énorme.

Mais ce que raconte vraiment le film, ce n'est ni le succès ni l'échec, c'est la camaraderie, la solidarité des gens de spectacle, leur capacité à travailler ensemble y compris quand ils le font pour de mauvaises raisons (l'égo surdimensionné de Jeff, le conflit matrimonial des Marton ou bien sûr la rivalité des deux stars qui cache bien mal leur amour gauche...). Le film part d'un constat, celui qui admet qu'une star, justement, a des hauts et des bas. L'intelligence du film est d'une part dans le fait d'utiliser la situation réelle de Fred Astaire, totalement lessivé et remplacé par aussi bien Gene Kelly que Frank Sinatra; on utilise aussi le talent phénoménal de Cyd Charisse, repérée l'année précédente dans une scène fabuleuse de Singing in the rain: pas besoin de doublure quand elle danse... et d'autre part, ici, le bon vieux truc de scénario qui consiste à faire raconter à un film la mise en route d'un projet de spectacle (Gold diggers of 1933, 42nd street, Footlight parade ou encore Give the girl a break sont tous passés par là) est poussé dans ses derniers retranchements avec la présence écrasante de Jeff Cordova qui permet de prolonger la réflexion sur l'évolution du monde du spectacle entamée par la présence d'un vétéran face à une nouvelle venue... 

Et on se retrouverait,  rien qu'en s'en tenant au script, face à un film très complet, mais voilà: les stars d'une part, tous absolument géniaux, et parfaits dans leurs rôles, la musique ensuite (due comme le script à Betty Comden et Adolph Green, et ils ont vraiment mis le paquet: chef d'oeuvre après chef d'oeuvre), et une chorégraphie splendide (Fred Astaire n'est pas Gene Kelly, il a donc fallu faire appel à Michael Kidd qui a su trouver les chorégraphies idéales pour ce petit monde recréé en studio: Kelly n'aurait jamais voulu!), tout se conjugue sous la direction habitée de Minnelli et concourt à accomplir un film dans lequel le monde du spectacle se moque gentiment de lui-même, avec goût, exubérance, et un talent qui explose partout, tout le temps. Comment s'étonner après qu'on le considère comme un tel chef d'oeuvre? Le film est drôle, prenant, sensible et joyeux. Enivrant, sans les effets secondaires d'une boisson alcoolisée, on n'a donc pas besoin de le consommer avec modération, au contraire.

Minnelli, parfaitement à son aise dans ce film, nous rappelle à quel point il avait du talent pour ce genre, auquel il apporte non seulement énergie, une direction d'acteurs sans faille, et sa palette légendaire, avec ce goût prononcé pour les couleurs primaires, et le chic pour en affubler son actrice principale... C'est donc l'un de ses meilleurs films et l'un des meilleurs musicals de la grande époque. 

Car comme disait (presque) Shakespeare:

The world is a stage, the stage is a world of entertainment...

 

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Published by François Massarelli - dans Vincente Minnelli Musical