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21 février 2023 2 21 /02 /février /2023 17:32

Patrick Bateman (Christian Bale) est un trader de Wall Street, dans les années 80: richissime, dans le vent, dont l'ambition est évidente, mais pas aussi forte que son désir d'être admis dans le restaurant le plus select de la ville; il a un appartement très chic, sait s'habiller en toutes circonstances, boit un peu, sniffe pas mal, et a une vie affective assez riche: il a une petite amie, qui se verrait bien mariée, et il la trompe allègrement avec la fiancée d'un de ses collègues; il sollicite parfois des prostituées, et occasionnellement, flirte en prédateur avec sa secrétaire. Et sinon, pour vraiment s'amuser, il tue: il tronçonne, mord, découpe, poignarde, transperce des gens: sans-abri, vieille dame, top model draguée en soirée, prostituée, voire amies, collègue... Et par moments, il se laisse même aller à manger ses victimes.

J'aurais presque envie de m'arrêter là, tellement cette énumération froide semble se suffire à elle-même, mais ce serait trop simple. D'abord, il me faudra impérativement ajouter que ce film est une comédie, certes noire. Ensuite, que comme tous les films consacrés à des psychopathes, ce film n'est évidemment pas à considérer comme une apologie. Comment le pourrait-il, d'ailleurs, quand on considère qu'un des souvenirs les plus vivaces qu'il vous laisse est l'image de Christian Bale, nu si ce n'est pour une paire de baskets, courant couvert de sang dans les couloirs aseptisés d'un gratte-ciel après une prostituée, une tronçonneuse rouge de sang à la main?

Et surtout, dans ce film où le dingue total et meurtrier qui nous conte son histoire n'aura pas de châtiment, on n'est pas si sûr, après tout, qu'il y ait bien des crimes. Il y a bien une enquête pour disparition, d'un personnage que nous avons vu Patrick tuer, mais l'enquête (menée par Willem Dafoe) semble surtout nous embrouiller, et confirmer que ce que nous avons vu, de façon répétée, n'a peut-être jamais eu lieu que dans l'esprit, ou dans un carnet de dessin retrouvé à la fin, et qui perturbe sérieusement la secrétaire de Patrick, Jean (Chloé Sevigny): c'est qu'a priori, elle l'aime sans doute...

Mais je pense que c'est un film important, qui aborde grâce au roman de Bret Easton Ellis (paru en 1991), la question de la grande mutation de l'homo americanus dans les années 80, une mutation qui débouche, j'en ai peur, sur l'humanité d'aujourd'hui. Le choix de Mary harron, d'ailleurs, a été de situer le film à la fin des années 80, par tous les moyens dont elle disposait: musique, vêtements, coiffures, comportements... C'est extrêmement réussi, y compris quand une scène nous montre Patrick et ses copains, tous réunis pour un verre autour dune table dans un club, à écouter la parole présidentielle (Ronald Reagan en l'occurrence). C'est que ce personnage, qui parfois se lance dans des soliloques absurdes, imités de ses lectures de magazines light, où il expose principalement ses mauvais goûts musicaux (considérant Sussudio de Genesis comme le sommet de a carrière du groupe, il fallait l'oser), est désespérément vide, comme le serait d'ailleurs le Dude en 1991, dans The big Lebowski: un pantin, conforme à sa caste, qui ne peut pas faire grand chose d'autre que de répéter les mêmes formules creuses lues ou entendues ailleurs... Bateman a un atout certain: grâce à son hobby du meurtre, rai ou imaginé, il existe enfin, et révèle toute son inhumanité. C'est ce qui fait le sel de ce film singulier, qui mérite amplement d'être revu... Avec un peu d'humour, bien entendu.

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Published by François Massarelli - dans Comédie