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Dans un monde habité uniquement par les Afro-Américains, semble-t-il, nous suivons les tribulations d'un couple dont toute la communauté parle: Petunia (Ethel Waters), adorée de tous, a fort à faire avec son bon à rien de mari, Little Joe (Eddie Rochester Anderson): celui-là n'a pas son pareil pour mentir, tricher, fuguer, fricoter et surtout, surtout, risquer l'argent du ménage (gagné par sa sainte épouse) au jeu... Quand le film commence il est supposé s'être racheté, mais pendant l'office religieux, il disparaît, plus ou moins contraint et forcé par des voyous qui font miroiter un jeu gagnant d'avance... Quand Petunia le récupère, au cabaret de Jim Henry, il vient d'être blessé dans une partie de dés qui a mal tourné...
Petunia le ramène chez elle, mais là, le cas de Joe est sur la balance: quand il mourra, obtiendra-t-il l'enfer, qu'il semble mériter, ou le paradis comme le réclame en prières Petunia, qui affirme que son Joe la rend heureuse? Le film va s'évertuer à nous donner une réponse en montrant les coups tordus tentés par Lucifer Jr (Rex Ingram), le damné qui souhaite sérieusement remplacer son père...
Un film comme celui-ci serait-il possible aujourd'hui? ...Et pourquoi pas? Mais pas par un Minnelli, encore moins par un studio aussi frileux que l'était la MGM de l'époque! On ne va pourtant pas se plaindre de ce que cette comédie musicale, montée à Broadway par des blancs mais entièrement interprétée par des noirs, ait été confiée à un réalisateur comme Minnelli, on va simplement se plaindre d'un système qui à l'époque empêchait totalement un Afro-Américain de diriger une telle production...
Je pense que, premier film oblige, c'était une mission confiée par le studio à Minnelli, qui avait d'autres ambitions (son premier film vraiment personnel serait le troisième, Meet me in St Louis): mais il a eu l'intelligence de faire son boulot d'une façon plus qu'irréprochable, en croyant au film, et en fournissant au casting, et à la production un cachet et une classe inimitable. On retrouve son goût, son sens esthétique, le souffle du chorégraphe cinématographique qu'il a toujours été, et il a su laisser les artistes donner le meilleur d'eux-mêmes: et quels artistes! Ethel Waters est fabuleuse, et Anderson fidèle à lui-même... Lena Horne, en tentatrice ("Georgia Brown", certainement very sweet), Rex Ingram en diable magouilleur, jusqu'à Louis Armstrong en vieux démon qui a roulé sa bosse (et sa trompette)... Et n'oublions pas l cerise sur le gâteau, la présence (d'ailleurs soulignée dans les dialogues) de Duke Ellington, qui interprète un Going up d'anthologie, avec des interventions cruciales de Ray Nance (violon), Al Sears (sax ténor) et Lawrence Brown (trombone)!
Certes, le scénario, à l'instar de la pièce, laisse le champ libre à tout un paquet de clichés, parmi lesquels on retrouvera un parler assez folklorique, des offices religieux bruyants, et un "little Joe" dont la passion pour les dés va de pair avec une certaine fainéantise, tout un univers de clichés et de stéréotypes, mais qui sont véhiculés par les acteurs eux-mêmes... Et Minnelli a tenu à associer des leaders noirs et la NAACP à son film. Alors aujourd'hui, certes, cette comédie musicale ne se ferait pas, ou se ferait différemment. Mais on ne va ni la dénigrer ni la brûler, on va se contenter d'y prendre du plaisir, parce que nom d'un petit bonhomme, c'est un classique, un vrai!
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