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L'héroïne de ce film des premiers temps de l'oeuvre de Griffith est une jeune femme Juive dont la mère décède au début. Elle travaille désormais avec son père dans la boutique familiale. Le père souhaite organiser un mariage traditionnel, mais la jeune femme tombe amoureuse d'un homme qui n'est pas juif, et se marie avec lui. Le père refuse de les fréquenter, et la petite famille vit heureuse, et prospère dans leur librairie jusqu'au jour ou le jeune homme meurt; contrainte de vendre sa librairie, la jeune femme tombe malade, et sa fille va trouver son grand père dans le but de réconcilier père et fille avant la mort de cette dernière...
Romance of a Jewess étonne pour trois raisons: d'une part, bien que Griffith sort peu du studio, et utilise encore des décors approximatifs et des toiles peintes, ce mélodrame situé dans deux lieux principalement (boutique et librairie) a en fait été tourné exactement sur le même décor en studio, mais agencé différemment, sous un autre angle de prise de vue: voilà comment on économisait intelligemment, sans que ça se voie trop.
Le deuxième point remarquable tient dans les ruptures de ton; un intermède très sennettien (Sennett est d'ailleurs l'un des acteurs qui y participent, et était à l'époque le conseiller ès-comédie de Griffith) occupe le deuxième plan, qui finit quand même avec souplesse dans le mélodrame. Voilà clairement un rappel du coté touche-à-tout de ces films Biograph, tournés par une équipe versatile et rompue pour l'instant à tous les styles de films. Griffith mettra cependant vite un frein à ce mélange, en prenant les drames et les histoires plus subtiles en charge, laissant la comédie à Mack Sennett.
Enfin, dans ce film plutôt délicat dans son traitement "ethnique", le titre ne trouvant aucun écho dans le déroulement de l'action, on notera une série de plans assez naturalistes qui non seulement tranchent sur le coté factice des décors cités plus haut, mais constituent aussi un avant-goût de plans similaires des rues populeuses de New York dans The musketeers of Pig Alley en 1912. Ces plans pourtant tournés en studio sont remarquables par le naturel qui se dégage de l'amoncellement de figurants..
Donc si le cinéma de Griffith balbutie encore en 1908, la construction d'une oeuvre solide et fascinante a vraiment déjà commencé.