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L'entreprise InGen, qui a permis à John Hammond (Richard attenborough) de créer Jurassic Park, a échappé à son créateur, et le monde des dinosaures recréés menace de devenir un site encore plus touristique; mais Hammond, qui reste sur son idée initiale de faire appel au sens du merveilleux et voudrait rester en bonnes grâces auprès de la communauté scientifique, demande au docteur Ian Malcolm (Jeff Goldblum) d'aller sur place dans une île secondaire, avant que les hordes de chasseurs, ingénieurs et autres avocats, ne débarquent pour transformer les lieux en parc d'attraction. Leur mission? Observer les dinosaures dans leur habitat...
Une suite? Spielberg avait réussi à s'en abstenir, à l'exception de ses Indiana Jones, jusqu'à ce film. Quelle que soit la qualité du film, il était inévitable d'une part qu'on puisse accuser la chose d'être d'un flagrant opportunisme, d'une totale inutilité, et d'une certaine redondance. Le fait est qu'après Schindler's list on voyait mal un metteur en scène s'atteler à un "petit film de dinosaures". J'ai déjà souligné les paradoxes suivants: d'une part, Spielberg fait 1941 un jour, et Raiders of the lost ark le lendemain, en planifiant de réaliser E.T. plus tard. C'est un metteur en scène, attiré par toutes les possibilités du cinéma... D'autre part, sans Jurassic Park, Schindler's list ne se serait pas fait. Donc The lost world est pour Spielberg la possibilité de prolonger sa filmographie de deux ou trois films ambitieux qu'il rêve de faire, parmi lesquels Amistad, Saving private Ryan, et A.I.... Donc au doublé incroyable de 1993 (Jurassic Park suivi de Schindler's list), le réalisateur va ajouter un triplé impressionnant en 1997 - 1998, en faisant suivre son deuxième film de dinosaures de deux ambitieuses fresques historiques, les sorties s'étalant entre le mois de Mai 1997 et celui de Juillet 1998.
Donc maintenant qu'on se retrouve avec une suite, on y verra beaucoup de redites, des échos des thèmes déjà présents dans Jurassic Park, des moments qui sont hérités du roman Jurassic Park mais qui avaient été écartées (l'ouverture du film est claquée sur celle du premier roman, au lieu d'être inspirée du deuxième), et certains personnages reviennent... mais pas beaucoup. Si on ne verra pas les personnages de Sam Neill et Laura Dern (qui seront tous les deux, dans des proportions différentes, présents dans Jurassic Park III de Joe Johnston, Ian Malcolm (Jeff Goldblum) revient, et d'autres personnages viennent augmenter la donne, parfois de manière un peu plaquée, comme sa petite amie (Julianne Moore) et sa fille (Vanessa Lee Chester). Surtout, le film va explorer de façon importante un thème cher à Spielberg, qui était présent dans le premier film, mais devient central au deuxième: la famille. de même que les protagonistes sont les éléments d'une famille, aussi disparate soit-elle, les T-Rex du film sont un couple avec enfant, et la défense de leur cocon familial devient l'enjeu évident du film.
Spielberg reste Spielberg, et si le film est souvent un peu facile dans sa reprise des attractions du premier (un chasseur isolé qui se croit plus intelligent que les petits dinosaures va finir par se faire bouffer, un peu de la même façon que le hacker Nedry dans Jurassic Park, et un suspense est lié à la façon de chasser des vélociraptors, une fois de plus les stars du film), il y a aussi, grâce aux effets numériques, une chasse délirante qui fait intervenir hommes et dinosaures avec une diabolique efficacité, et surtout une séquence de suspense impliquant une petite fille, un camping-car de luxe, une falaise, et une paire de T-Rex.... Notons que le film est l'un des plus violents, voire impitoyables de Spielberg, aussi bien sur le suspense que sur la violence suggérée ou explicite. Le prologue, avec sa petite fille attaquée (hors champ, mais la réaction de sa mère après coup est sans équivoque) ne dit pas autre chose. Fuite en avant délibérée d'un réalisateur qui a d'autres films à faire, ou tentative de rentrer dans le lard de la censure?
Et il y a surtout, plus un écho au Monde perdu de Conan Doyle qu'à celui de Michael Crichton, une séquence durant laquelle un T-Rex sème la panique dans San Diego, qui pour moi renvoie autant au film d'Harry Hoyt (The lost World) adapté du roman de Doyle, qu'à King Kong. A ce sujet, d'ailleurs, on pense autant à ce dernier film, qu'à Nosferatu devant l'anecdote du vaisseau fantôme, dont tous l'équipage a été mangé par un T-Rex, ce bateau ayant été baptisé S.S. Venture, comme le bateau de Carl Denham qui ramènera le gorile géant dans le film de Schoedsack et Cooper... Et dans les deux cas, Spielberg semble au moins nous dire, tout ça c'est bien gentil, mais n'oublions pas que nous ne serions pas en train de faire ce film, sans l'animateur Willis O'Brien et ses poupées articulées de créatures fantastiques, sans les grands réalisateurs de ces films fantastiques...
Bref, on l'aura compris, comme toute suite, celle-ci affiche fièrement son inutilité. Mais elle le fait avec panache, et surtout avec sa dose de cris. car comme le dit Ian Malcolm, "Oooh, Aaah, that's always how it starts. then later there's running, and um, screaming".
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