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Germaine (Annie Girardot) est une femme de ménage: elle travaille pour trois personnes. D'une part, la présentatrice de télévision Francine (Mireille Darc), la maîtresse d'un politicien très en vue (Jean-Pierre Darras); ensuite, Alexandre Liéthard (Bernard Blier), un banquier solitaire; enfin, Monsieur Phalempin, éducateur (Sim) qui rêve d'emmener une troupe d'enfants défavorisés en baie de Somme...
Elle a repéré quelques anomalies dans leurs vies et parcours, et décide de les mettre en relation afin de déclencher les inévitables vélléités de chantage chez les uns et les autres. Liéthard va donc faire chanter Francine dont le passé dans la prostitution de luxe est un handicap dans les ambitions, Phalempin va faire chanter Liéthard qui a tué son supérieur hiérarchique (Jean Le Poulain), et enfin Francine fait chanter Phalempin qui sous un déguisement de libellule, chante et danse dans un bar gay...
L'intérêt pour Germaine? Eh bien, laisser faire les choses et ramasser la mise à la sortie! C'est que Germaine ambitionne de mener grand train une vie d'oisive sur la côte d'azur, ce qu'elle ne manque jamais de nous rappeler...
Ce troisième long métrage de Michel Audiard est adapté d'un roman de Fred Kassak, Bonne vie et meurtres. Impossible pour moi de juger de la fidélité à l'oeuvre, n'ayant pas lu l'ouvrage... Mais le changement de titre, s'il en est, est certainement une indication! D'autant que ce n'est pas la première fois qu'il se permet un titre exagérément long: Audiard était coutumier du fait et avait déjà sorti Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages en 1968... Et dès les cinq premières minutes, Girardot fait mentir deux des propositions du titre, en exhibant une Gitane et en venant se jeter un petit blanc au bar de Jean Carmet... et par ailleurs, elle ne cause pas tant que ça, après tout...
Bref, on est dans le monde d'Audiard, son pavé, ses friches industrielles Parisiennes, ses dialogues décalés avec des dérapages du côté de Musset voire Bossuet (ce que du moins le dialogue indique, mais j'ai des doutes)... On aime, ou pas. Le cinéma n'y trouvera peut-être que fort moyennement son compte, mais les collectionneurs de petites phrases y trouveront quelques bonheurs: "J'ai déjà vu des faux-culs, mais vous êtes une synthèse" (Blier à Sim), par exemple... Les nostalgiques du Blier capable de toutes les excentricités auront le bonheur de l'entendre très en beauté dans un dialogue qui est, mais pourquoi faudrait-il s'en surprendre, le meilleur aspect du film:
Micheline Luccionni: "Qui c'est le gros nounours à sa petite fifille? Qui c'est qui va faire un gros câlin, dans le grand dodo?" (on frappe avec véhémence) Bernard Blier, inquiet: "Qui c'est qui fait gros panpan à la poporte?"
Pour le reste, c'est sans surprise la France Pompidolienne, saisie dans ses codes, son hypocrisie, sa médiocrité: tout le monde se ment, dissimule, ou trompe ses amis ou amants... Dans ses transformations aussi, entre les fauxbourgs des années 30 et 40, et la modernité recherchée des futures années Chiraquiennes, et les évolutions probables de la société vues par un réalisateur et dialoguiste, anar de droite rigolard, et qui nous rappelle au passage, à travers une fort hypothétique rue L-F Céline, qu'il avait un passé de paria, lui aussi, ce qu'il semblait fort bien assumer...
Quoi qu'il en soit Audiard a souvent montré plus le terminus des médiocres que celui des prétentieux, c'est sans doute ce qui fait le prix de ce petit film idiot et assez inoffensif. Et Annie Girardot s'y promène avec une sobriété rare, au milieu d'un parterre d'acteurs qui font tous honneur à la gentille excentricité de l'ensemble. Je ne sais pas si c'est une indication de qualité en soi, mais ce film étrangement séduisant, dans lequel Bernard Blier est royal, est sans doute son meilleur...
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