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27 juillet 2023 4 27 /07 /juillet /2023 18:05

Naoufel a grandi dans une famille aimante, un père attentif et empreint de fantaisie, et une mère qui, violoncelliste virtuose et reconnue, était le centre du monde connu... Les cours de piano à la maison d'un côté, la présence d'images médiatiques fascinantes autour de la conquête spatiale de l'autre, avaient conjointement décidé de sa double vocation : Naoufel serait pianiste ET astronaute... Jusqu'à un accident un soir de concert, qui l'avait privé de père, de mère, de famille, et probablement d'un destin que dans sa jeunesse il imaginait tout tracé... Installé en France, avec un oncle probablement, et un cousin qui n'avait pas lui non plus la finesse de ses parents, il a du abandonner ses rêves pour devenir livreur de pizza... Et pas le meilleur, ça non. C'est pourtant grâce à ce travail ingrat qu'il ferait un rencontre inattendue, celle de la voix de Gabrielle...

Le film d'animation n'est pas raconté de cette façon linéaire, et établit un parallèle profondément cinématographique entre des bribes du passé du héros (dans un noir et blanc d'une grande douceur), avec quelques informations lâchées à chaque séquence, mais par exemple on attendra assez longtemps avant de comprendre exactement les circonstances de l'accident qui le prive de ses parents), son présent, et... Le devenir de sa main.

Oui, car dès le début on sait qu'à un moment de sa vie Naoufel a subi un autre choc, et dans les circonstances (qui ne seront expliquées qu'à la fin), il a perdu une main. Enfin, si on s'en réfère au titre c'est sa main droite qui a perdu Naoufel... comme un prolongement poétique de ses propres déchirures, le jeune homme ne sait pas que sa main, toujours bien vivante, est à sa recherche.

Ce qui est, j'en conviens, parfaitement gonflé pour ne pas dire absurde. Pourtant on le vivra comme une aventure, saugrenue parce qu'elle est vécue du point de vue d'un morceau de corps animé d'intentions beaucoup plus définies, finalement, que celles du jeune homme auquel il appartient ! Mais voilà, c'est d'aventure dont il s'agit, et le dessin animé étant la porte ouverte vers tout ce qu'on veut, pourquoi ne pas imaginer qu'une main part à la recherche de son corps ?

Et cette aventure qui avait tout pour être loufoque est traitée avec le plus grand sérieux dans une belle succession d'ncidents, vécus par cette main animée, devenue métaphore de la volonté perdue de Naoufel... Et métaphore aussi de son destin, auquel il est fait allusion dans une jolie scène qui finit en toute amertume, sur les toits, quand il engage la conversation avec Gabrielle, sur les moyens de contrer le destin. Ce que sa main, destinée à être incinérée, va faire en s'échappant pour le retrouver...

Le film fait la part belle à un graphisme semi-réaliste, assez proche des écoles de bande dessinée nées dans les années 80 et 90 ; l'animation est proche des traditions Japonaises, qui ne craignent pas de s'éloigner d'une représentation fluide du mouvement en utilisant un défilement de l'image, 12 fois par seconde plutôt que 24... Un parti-pris qui donne un mouvement saccadé, mais aussi l'impression parfois d'un mouvement disjoint, qui manque de précision et qui accompagne l'approximation du souvenir. On a le sentiment que ces aventures parfois dramatiques, parfois franchement sordides (l'épisode de la perte de la main, en particulier) sont du vécu.

Le décor d'une banlieue Parisienne (la vieille banlieue, celle des mobs, des faubourgs poisseux, des excroissances industrielles urbaines et des toits glissants, et habités) est celui d'une certaine littérature, d'un certain cinéma aussi. On ne s'étonnera pas donc d'apprendre que Guillaume Laurant est l'auteur du roman adapté dans cette surprenante production des studios Xilam, qui nous avaient doné auparavant Tous à l'ouest, d'Olivier Jean-Marie. Une autre allusion à la bande dessinée, mais...

Cette production ambitieuse, qui joue sur la chronologie, le point de vue aussi, est une merveilleuse exploration de l'importance du souvenir, de l'association d'idées, des objets qui parfois permettent le souvenir, parfois le font revenir, comme un post-it, une pizza, un magnétophone à cassette, et... un grain de beauté, trait d'union magistralement trouvé entre un fil narratif et l'autre.

Et suprème délicatesse, le film possède une jolie rencontre cinématographique en coup de foudre, entre un adolessent gauche et une jeune femme qui sait probablement plus ce qu'elle veut, oui, mais... par interphone interposé. 

Un film intrigant ? Ca oui, et qui vaut le détour...

 

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Published by François Massarelli - dans Animation