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Roald Dahl (Ralph Fiennes) nous présente Henry Sugar (Benedict Cumberbatch), un joueur professionnel qui a un jour fait la découverte de sa vie; un livre qui racontait l'étrange histoire de Imdad Khan (Ben Kingsley), un homme qui pouvait voir sans ses yeux. Sugar comprend instinctivement quel profit il peut en tirer à s'exercer ainsi à voir ce qu'on ne lui montre pas, comme les cartes par exemple...
C'est le premier d'une série de quatre moyens métrages co-produits par Netflix, et effectués dans une totale liberté par Anderson avec son style de plus en plus distinctif... Ce sont tous des adaptations de Roald Dahl, qui du reste apparaît ici dans le dispositif déjà utilisé par le metteur en scène dans The Grand Budapest Hotel: un écrivain s'adresse au public (via la page, ou comme ici en regardant la caméra) et nous parle d'une autre personne (Sugar) qui à son tour nous parle d'une autre personne (Dev Patel joue un médecin qui a été confronté à Imdad Khan) qui lui nous détaille enfin l'histoire qui nous intéresse... Ensuite on reviendra à Sugar...
Mais ce qui change, c'est d'une part une adresse constante et "littéraire" au public, à travers le regard caméra, et des vois qui récitent calmement un texte parfois volontairement redondant ("dit-il", après certaines répliques qui sont à destination du narrateur), donc une narration intrinsèque qui fait partie de la narration elle-même, puisqu'elle se met en scène. Une façon de souligner le pouvoir du "on dit que...", et de donner un peu plus de poids à un statut légendaire tout en soulignant évidemment à l'envi le processus littéraire de l'adaptation d'un texte.
D'autre part, la mise en scène souligne constamment une technique inspirée du théâtre, avec des techniciens qui entrent dans le champ, bougent les décors pour faire apparaître ceux qui se cachent derrière, et beaucoup de plans séquences. Le texte récité passe parfois d'un narrateur à l'autre sans rupture dans le rythme, ni réelle émotion, puisque les intervenants adoptent tous une attitude à la Buster Keaton en toute circonstance... Pur parachever ce faux côté théâtral, les acteurs qui ne jouent pas leur rôles principal dans une scène (Fiennes, ou Cumberbatch) sont amenés à replir d'autres fonctions...
C'est "le petit théâtre de Wes Anderson", bien plus que celui de Roald Dahl, en fait... Une pierre de plus dans un édifice de plus en plus complexe de remise à plat de la narration et de la représentation cinématographique, dans laquelle le style est brillant, esthétiquement superbe, l'originalité évidente. Maintenant, c'est un film de quarante minutes, qui est une déonstration de virtuosité en même temps que l'exploration savante de l'univers d'un auteur. Reste à le confronter aux trois suivants pour savoir un peu plus ce qu'il en est. Je ne serais pas surpris que les autres films soient arangés de façon similaire.