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En Bretagne, Yann Gaos (Charles Vanel) a suivi la voie familiale: il est marin, et avec un équipage de durs à cuire, il retourne régulièrement pêcher au large de l'Islande, un voyage dangereux mais fructueux. A terre, il laisse une jeune femme, Gaud (Sandra Milowanoff), , qui aimerait qu'il se déclare... Mais Gaos est pauvre, et surtout il est fasciné par la mer. Il sait que s'il se marie il va probablement devoir effectuer un sacrifice, celui de son métier ou celui de son mariage...
Les deux oeuvres actuellement le plus accessibles de l'oeuvre muette de Baroncelli ont comme point commun un amour impossible. C'est plutôt monnaie courante, à l'époque du mélodrame roi. Mais ce qui relie également ce Pêcheur d'Islande (d'après Pierre Loti) et le très intéressant La femme et le pantin de 1929 (d'après Pierre Louys), c'est une envie de mise en scène phénoménale. Des acteurs, certes, des décors évidemment... Des images même, ici dominées par des prises de vue "en situation", documentaires pour certaine, et Bretonnes pour une large part, mais surtout une envie de dominer l'espace filmique, et de tout tenter. Et c'est une grande réussite...
Le film ne suit pas que ses deux protagonistes, qui sont excellents. On y sent une trace du cinéma Américain, à travers un jeu d'une sobriété exemplaire, Vanel et Milovanoff jouent avec les yeux, et une économie de moyens qui est d'autant plus remarquable, qu'à l'époque (et en particulier dans le cinéma dit 'impressionniste' de l'avant-garde française, celle de Delluc, Dulac et à laquelle on assimilait parfois L'Herbier et Gance), le jeu des acteurs français était plus marqué. En plus du couple, on suivra brièvement le personnage de Sylvestre Moan, un autre enfant du village qui tentera de montrer la voie aux deux amoureux avant de mourir au Tonkin...
Mais le triangle amoureux, ici, relayé par un montage savant et virtuose qui fait rimer en permanence les lieux et les temporalités de Vanel et Milowanoff, se situe entre la jeune femme, qui symbolise presque à elle toute seule le lien à la terre de Bretagne (l'Argoat), le marin, qui évidemment incarne le lien à lOcéan (l'Armor), et bien sûr la mer elle-même, et celui que cette dernière tient prisonnier en elle, attendant le jour du naufrage, que le film appelle poétiquement "le jour de ses noces avec la mer"...
Le film est passé dans la légende pour ses scènes de pêche, probablement tournées de façon documentaire, mais les séquences avec Vanel s'y insèrent sans aucun problème, ce qui est à porter au crédit de la production... Pourtant il y a de belles séquences oniriques, avec des surimpressions très réussies, et une magnifique utilisation de décors authentiques Bretons, quatre années avant Epstein. Et les effets spéciaux, surimpressions, mélange d'images et collages parfois provocateurs sont utilisés pour appuyer sur la rudesse d'une existence coupée en deux, pour l'un et l'autres des deux amoureux. Le lien à la terre, à la famille, à la mer, et à un destin qui toujours devra s'accomplir à l'encontre des désirs des amoureux.
Une scène parmi tant de séquences marquées d'un souffle virtuose (l'influence d'Abel Gance me semble une piste pertinente, mais cette inspiration est constamment disciplinée par Baroncelli qui jamais n'ause de ses effets), me semble vraiment sortir du lot: les marins sont au large, dans un brouillard à couper au couteau. Ils croisent un bateau, dont les marins blafards, grimaçants, leur annoncent des mauvaises nouveles du pays. Mais ce sont des fantômes, comme une annonce d'un destin entièrement écrit pour Yann Gaos...
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