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La vie difficile et ô combien mélodramatique de l'orphelin Oliver Twist (John Howard Davies), depuis son infortunée naissance d'une mystérieuse inconnue qui meurt quelques minutes après lui avoir donné la vie, jusqu'aux dangereuses rues de Londres où il apprend les rudiments du métier de tire-laine auprès du receleur Fagin... En passant bien sûr par une "workhouse" (un orhelinat, dans lequel les pauvres enfants sans famille sont exploités avant d'être placés pour ne pas dire vendus) et toutes les péripéties possibles et imaginables...
Après Great expectations, David Lean aoute un deuxième chapitre à son exploration gourmande de l'oeuvre de Dickens, ce sera le dernier... Il le fait en plasticien d'abord et avant tout, même si ce metteur en scène affirme son désir de tout contrôler et de devenir un auteur aussi complet que possible, en signant le scénario (avec Stanley Haynes). Mais d'abord et avant tout Lean décide d'être aussi proche du roman et donc des intentions de Dickens qu'il le pouvait... Dickens, dont les ambiguités n'ont plusà être présentées, avait situé son roman dans un monde sordide, celui de la pauvreté et de la débrouille, c'est donc ce qui nous est montré; mais il mo,trait aussi de quelle façon les classes dirigeantes assujettissaient la classe ouvrières en les poussant à la pauvreté, et au crime (son corollaire dans tout mélodrame qui se respecte), à coup d'injustices... Lean reprend tout ceci, on n'ose pas dire à la lettre.
Parce que c'est du cinéma, quand même... D'ailleurs le début est extrêmement impressionnant, avec ces menaçantes images de nature, et cette utilisation magistrale de l'ombre et de la lumière, le film dès le départ est film directement dans la lignée du grand cinéma muet particulièrement Allemand (d'ailleurs il use de textes récapitulatifs bien dans le style des intertitres du muet à chaque fois qu'il le peut). On constatera qu'il est aussi clairement dans la lignée de George Cruikshank, l'illustrateur de la publication en feuilleton... En continuité avec l'idée de remonter à la source. Le film est d'une esthétique très proche de celle des gravures originales, et il rend bien la laideur, l'univers de briques, et on y utilise souvent les trognes des acteurs secondaires, dans un but d'utiliser la caricature avec subtilité. Mais le film se caractérise aussi par un sens phénoménal du détail, depuis les "signes" mélodramatiques (médaillon volé qui sert de fil rouge) jusqu'à la caractérisation globale: par exemple, quand Oliver devient apprenti d'un entrepreneu de pompes funèbres, il devient entouré de cercueils. Aussi bien à côté de son lit que la tabatière de son patron qui a une forme si caractéristique... La prise de tabac, d'ailleurs, est mise en avant comme une habitude d'un autre temps, qui là encore joue sur l'ambiance générale.
Un autre grand apport de Lean est d'offrir avec le point de vue une mise en évidence des émotions, comme dans les scènes qui font intervenir directement Oliver (qui, rappelons-le, est autant le sujet que l'objet de sa propre histoire, comme souvent chez Dickens... aussi bien que chez Lean); la scène du meurtre de Nancy, la prostituéequi a des scrupules, est traitée de façon impressionnante avec une utilisation du montage pour montrer l'effet du meurtre sur le tueur lui même...
Aucune tentation de bavardage ici, le film repose sur une mpressionnante économie de moyens concernant les dialogues: la scène de la courte paille, qui voit la sélection, à l'orphelinat, d'Oliver pour aller se plaindre de l'ordinaire au nom de tous, est traitée sans un mot; la première réplique du film n'est prononcée qu'après 6:30 de pellicule.
Enfin, comment échapper au sujet de fâcherie habituel? La caractérisation de Fagin par Alec Guinness: le principal fautif reste Dickens, tout comme en créant Shylock, Shakespeare a succombé aux stéréotypes faciles de son temps. En se situant dans la tradition, Guinness renvoie principalement à la volonté de l'auteur, d'accabler une ethnie bien ciblée (qu'on va qualifier, au regard des délires ambiants, de "usual suspects"...), mais Dickens lui-même s'était inspiré largement de l'histoire d'un homme, Ikey Solomon, dont la vie était mouvementée, mais aussi très proche (il était receleur) de celle du personnage du roman. Maintenant, si Dickens l'a affublé pour toujours dans ses descriptions des attributs du juif maléfique qu'aiment tant les antisémites de tout poil, la caractérisation de Guinness est bien plus riche qu'une simple illustration. Il devient une fripouille, qui est tout sauf unidimensionnelle... Un personnage qui a sans aucun doute du batailler pour s'imposer dans le milieu qui est le sien. Un cousin de personnages qu'o retrouve non seulement chez Dickens, et donc Griffith, mais aussi chez Carné (Les enfants du paradis, inévitablement). Et surtout, Fagin n'est finalement pas aussi diabolique que Sykes (Robert Newton), qui lui va avoir directement du sang sur les mains et fournir les images les plus impressionnantes du film, lors des poursuites de la foule prête à le lyncher... On renvoie ici à Frankenstein, de James Whale, dans une sorte d'étrange filiation, ou cousinage: après tout, Whale aussi s'est largement inspiré du cinéma Allemand...
Pour couronner le tout, les acteurs sont tous irréprochables, totalement dévoué au projet et à son esprit. Bref, une réussite!
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