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Jane Hudson (Katharine Hepburn) est une touriste Américaine qui vient à Venise pour la première fois: non mariée, d'âge moyen... la tentation est forte de l'appeler une "vieille fille", comme on disait alors. Amérivaine en territoire conquis elle a tendance à venir avec des idées préconçues sur tout, et pour commencer sur le fait qu'elle va forcément aimer Venise... Mais ce qui apparaît bien vite c'est sa solitude.
La découverte de Venise par Kate Hepburn est une expérience aussi sensorielle que déroutante. L'actrice n'a pas son pareil pour réussir à faire passer aussi bien sa frustration de personne solitaire que sa fascination presque juvénile pour un monde sensuel, forcément romantique (et tant pis si c'est un cliché!) etqui la pousse à se réfugier derrière sa caméra, un artifice qui dans un premier temps fait d'elle la touriste parfaite, et un peu ridicule aussi, mais qui va aussi l'aider à voir...
Et à se montrer aussi, et c'est justement parce qu'elle filme à tour de bras qu'un homme la regarde, sur une terrasse de café, les yeux plantés sur elle avec un sourire amusé... Une autre personne qui l'a repérée, c'est un gamin des rues, Mauro, qui la suit et la guide parfois de manière inattendue...
En se rendant dans une boutique, pour acheter un objet qui lui a tapé dans l'oeil, elle rencontre le propriétaire, qui n'est autre que le flâneur (Rossano Brazzi) qui l'avait dévisagée la veille...
Une histoire d'amour va donc se dérouler, mais elle sera cruelle...
La palette choisie par Lean est fabuleuse, obtenue sur place (le film est une rareté, une production internationale intégralement tournée dans des "décors naturels", si tant est qu'une ville comme Venise puisse être considérée comme telle!), filmée en Eastmancolor et tirée sur support Technicolor, elle est vibrante, et les choix de vêtements pour la plupart des figurants (Hepburn est souvent habillée de blanc -virginal- ou de couleurs claires) montrent des couleurs primaires éclatantes qui se détachent sur les tons pastels des décors des rues de Venise. C'est, on s'endoute, magnifique. Il est vrai que Lean, qui a tourné This Happy breed et Blithe spirit dans les années, n'est pas un novice en matière de couleurs...
Le ton du film, aussi, est une surprise, et le générique nous donne rapidement l'impression que ce sera une comédie, une impression fausse mais que de nombreuses séquences prolongent: le sentiment d'inadaptation de l'héroïne, par exemple, peut former la base d'un film burlesque, et une scène de pur slapstick à la Tati la voit méthodiquement filmer un décor, en marchant à reculons vers la lagune, et finir dans l'eau. Même sa répartie quand elle est repéchée sera de la comédie: "vous auriez du me voir aux Jeux Olympiques"... une petite blague bien placée mais dont l'échec sonne tragiquement, une fois de plus comme une façon de souligner sa solitude, et son immense frustration d'être seule dans la capitale romantique du monde...
D'où une histoire d'amour inévitable, en quelque sorte: car Jane Hudson est prête, plus que prête même: elle désire ardemment être comme les autres et elle aussi sentir les frissons d'être avec quelqu'un. Comme Brief encounter, Madeleine et The Passionate friends, comme quelques années plus tard avec Dr Zhivago et Ryan's daughter, cette histoire d'amour adulte sera teintée d'amertume, de transgression, d'incompréhension et d'une inéluctable mélancolie, car ce sera un adultère.
L'amertume du film rejoint donc celle manifestée dans Brief encounter, si ce n'est que dans ce dernier, les deux amants (...potentiels) partageaient un point commun, puisque tous deux étaient mariés, et que force restait à la morale. Ici, Jane et son amant ne sont pas d'accord sur la sainteté des liens matrimoniaux, mais cette querelle illumine le parcours de l'Américaine d'un vernis de transgression supplémentaire. Elle succombe à son désir mais est d'autant plus amère qu'elle désapprouve autant l'adultère que son inacapacité à y résister. Cette histoire d'une Américaine et d'un Italien (le film sera interdit ça et là, au passage...) est une rencontre qui passe dans un souffle et s'éteint comme on s'étrangle... Un souvenir amer qui sera probablement occasionnellement teintée d'une étrange rêverie, pour une femme qui ne savait pas que même en amour on pouvait en quelque sorte faire un peu de tourisme.
Et cette production Anglo-Américaine, la première d'une longue série, inaugure la partie la plus glorieuse de la carrière de son metteur en scène, mais celui-ci l'a longtemps affirmé: Summertime (également connu en Grande-Bretagne sous le titre de Summer madness) était de tous les films qu'il avait réalisés, son préféré...
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