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Après 5 mariages qui ont notoirement fini par l'horreur de la décapitation, de l'enfermement ou de l'exil des personnes concernées, Henry VIII (Jude Law), Roi d'Angleterre, a épousé Catherine Parr (Alicia Vikander), et... semble s'en satisfaire. Parti guerroyer, il lui a même confié les clés du Royaume... Sauf que ce dernier est l'objet d'une guerre de religion de plus en plus sournoise: d'un côté les partisans de la Réforme, derrière Calvin ou Luther, qui souhaitent s'attaquer aux privilèges de l'Eglise en place, et de l'autre la hiérarchie de l'eglie Anglicane, une branche Episcopalienne mais indépendante, établie lors de la rupture des relations diplomatiques entre le Vatican et la couronne, en 1531. Mais Catherine Parr, régente modèle, est aussi de notoriété publique une sympathisante du protestantisme... Et certains, dont l'archevèque Stephen Gardiner (Simon Russell Beale), veulent clairement sa peau...
Les historiens sont tombés sur le poil de ce film et de son équipe, tant il est vrai qu'on y spécule assez fortement sur un certain nombre de choses, notamment le décès du monarque... Disons-le de suite, ce nest pas sur le point factuel une leçon d'histyoire, c'en est mêmeme assez loin: d'ailleurs, aucune volonté didactique n'accompagne le film, qui est à prendre tel quel, écarté de son continuum historique... Mais bien sûr, s'il est à comprendre comme une fantaisie, il explore de façon fascinante deux aspects qui eux sont historiques: d'un côté, la présence d'un Roi qui n'a rien de fou, mais qui reste un monstre, et ce qu'il en advient dans le Royaume; de l'autre, la lutte délicate des femmes dans un contexte sur-représenté et même dominé par les hommes...
A ce titre, bien sûr, le film repose entièrement sur un duo d'acteurs qui sont irréprochables, et on n'a pas l'habitude de voir Jude Law en personnage aussi inquiétant. Plus encore, on se souvient des compositions de Jannings et Laughton: l'histoire du cinéma a été souvent assez tendre avec Henry VIII! Certes, il était établi (dans Ann Boleyn, de Lubitsch, et The private life of Henry VIII, de Alexander Korda) que l'homme avait manoeuvré pour pouvoir se marier quand bon lui semblait à qui bon lui semblait, résultant en des exécutions bien pratiques... Mais le côté presqu'enfantin du personnage ressortait plus du pittoresque! Ici, Henry VIII, même diminué (il a une blessure qui menace tous les jours de virer à la gangrène, et il vieillit), est bien un personnage terrifiant, qui n'obéit qu'à ses impulsions, et qui inspire autour de lui une sorte d'atmosphère politique dans laquelle chacun sait ce qu'il ou elle a à perdre.
Dès que le film commence, on voit le paradoxe de Catherine Parr: placée là où elle est par le fait que cinq épouses sont passées par là, elle sait ce qu'elle risque; elle est une bonne régente mais elle gène. Le roi l'aime mais se défie de sa foi. Enfin, elle est sur un siège éjectable (voire décapitable!) mais elle tient quand même à aider ses amis, notamment Anne Askew, qui prèche sans relâche la nouvelle religion dans le Royaume, et finira justement sur le bûcher...
Autour d'elle, si les intrigues sont nombreuses, les principaux risques sont assumés par des femmes, et non des moindres: fille de Catherine d'Aragon, première épouse (Catholique) du roi, la princesse Mary (future Reine Mary) sait à quel point la situation est intenable face à son père, et elle manoeuvre dès qu'elle le peut pour éviter de tomber avec la reine Catherine. la princesse Elizabeth (future reine Elizabeth, évidemment) sait qu'il y a un risque pour elle de finir sur l'échafaud, car elle est attirée par l'Eglise réformée, et elle sait que la hiérarchie religieuse ne la voit pas d'un très bon oeil. D'une manière générale, les enfants de Henry sont derrière Catherine, mais savent tous qu'ils sont les héritiers non seulement de la couronne d'un imprévisible tyran, mais aussi de femmes qui toutes ont été répudiées, exilées ou tuées. Et l'église semble en avoir pris l'habitude: à ce titre, Gardiner est un évèque comme je les aime: une ordure, politique à souhait, qui cache des ambitions personnelles de domination derrière "l'intérêt de l'église" et a manifestement à assouvir une soif de brûler, massacrer, et d'une manière générale anéantir les femmes. Bref, un homme d'avenir dans ce bas monde.
Bref, un écclésiastique. Qu'il soit Anglican au lieu d'être une de nos bonnes vieilles ordures Catholiques, importe peu...
Au-delà des ses contre-vérités historiques assumées (les risques de déchéance pour la Reine étaient réels, mais ici ils vont bien loin que ce que l'histoire nous enseigne), le film est enfin une radiographique au plus proche des âmes de l'esprit d'une époque, dans laquelle Karim aïnouz se refuse aux grandes scènes élégantes de cour, et au décoratif. La rigueur du film distille d'ailleurs un malaise, tant la caméra est proche des visages plus que de toute autre partie... Le cadrage est souvent remarquable est conditionne tout le film y compris son montage.
Mais il n'y a pas que l'esprit d'une époque, le film rejoint aussi la tendance actuelle à vouloir bousculer les choses, notamment en questionnant cette sale manie qu'ont les hommes de s'imaginer supérieurs aux femmes... Et Jude Law et alicia Vikander sont absolument extraordinaires dans un film qui dut être particulièrement exigeant pour l'un comme pour l'autre...
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