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7 avril 2024 7 07 /04 /avril /2024 16:28

Une comédie Britannique - pour beaucoup de gens, un genre à part entière, et pourquoi pas? Il a ses tendances, son rythme, et pour certains, ses ingrédients frelatés: une certaine capacité des acteurs Britanniques à se glisser dans la peau de personnages d'une autre époque avec un métier confondant (et toutes les performances du film le confirment, à commencer par celles de Timothy Spall et Olivia Colman), une tendance à ne jamais se priver d'un moment qui puisse rassurer le public pluôt que de le repousser, en utilisant l'humour, et surtout une tendance à la fausse provocation: car c'est assez facile, finalement, quand on raconte une histoire située dans l'Angleterre d'avant, de se lancer dans des pirouettes autour de lettres anonymes remplies d'un langage de charretier! et finalement, tout ça tourne souvent à la sale manie. Mais ce serait trop simple de balayer le film d'un revers de la main, jugeons sur pièces:

Dans la petite ville de Littlehampton, au lendemain de la première guerre mondiale, le petit peuple a repris sa vie et dans une rue très populaire, deux maisons mitoyennes abritent deux familles qu'on n'aurait jamais imaginé mettre côte à côte! Les Swan, des Anglais pur jus, sont des Anglicans prudes dont le père (Timothy Spall) est de la vieille école, la mère (Gemma Jones) aux abonnés absents et fière de l'être ("qu'en pensez-vous?" "...rien, voyons!"), et la fille, Edith (Olivia Colman) est tellement conditionnée qu'elle es littéralement étouffée dans sa moindre vélléité d'amusement ou de joie. De son côté, Rose Gooding (Jessie Buckley) est arrivée d'Irlande après la guerre, avec sa fille Nancy (Alisha Weir). se présentant comme une veuve de guerre, elle détonne avec les Swan, par son mode de vie d'une liberté absolue, et son phénoména franc-parler. Si Rose et edith ont été amies, au désespoir de M. Swan, c'est bien fini... Car Edith reçoit désormais des lettres anonymes de la pire espèce et pour tout le monde ce ne peut être que de la part de Rose. Quand cette dernière est arrêtée, la police est d'ailleurs particulièrement satisfaite de l'avoir coincée, en raison de son caractère et de sa réputation...

Sauf pour l'officier Glady Moss (Anjana Vasan), qui est une femme (et donc on l'appelle "Agent Féminin Moss" du début à la fin, ce qui fait d'elle assez clairement un policier de seconde zone). Celle-ci a dès le début le soupçon que si tout semble accuser la jeune Irlandaise, il y a un manque de logique à imaginer qu'une jeune personne qui dit ce qu'elle pense, et vertement encore, puisse se réfugier derrière l'anonymat pour rédiger des missives à la vulgarité tellement alambiquée qu'elle en deviendrait poétique. Et elle commence à trouver des dissimilarités très claires entre l'écriture de Rose, et celle de l'anonymographe...

Mais ça c'est un peu un secret de polichinelle, car il ne faut pas 15 minutes avant qu'on ait compris QUI, dans le film, a écrit ces horreurs, et les écrira d'ailleurs jusque au bout. C'est quand dans les circonstances des années 20, c'est tellement plus confortable pour les gens comme il faut d'accuser une jeune femme libre, à plus forte raison une Irlandaise...

Et c'est là qu'il est nécessaire de faire une digression: parce que depuis Bridgerton, notre sagacité historique sur ce qu'on sait de l'histoire de la Grande-Bretagne, est souvent mise au défi: car admettons-le, la Grande Angleterre de toujours, c'est quand mêmeun pays qui durant des siècles a assumé une tradition blanche, et si aujourd'hui ils se sont dotés d'un ministre issu de l'immigration, et conservateur de surcroît, ça reste un paradoxe! Bref, en 1920, les Anglais sont racistes. On s'étonnera donc ici de voir évoluer dans les mêmes strates sociales, dans une totale harmonie, des blancs, des noirs, des métis, et même des officiers d'origine Indienne ou assimilée, voire un juge d'origine caribéenne... On ne s'en plaindra pas, ça non: c'est juste que ce procédé appelle le spectateur à se demander dans ce cas ce qu'on est en train de lui raconter...

Et derrière cette convention, de plus en plus établie dans la fiction Anglo-Saxonne, de balayer tout racisme quand il n'est pas le sujet (voir donc, à ce sujet, le monde des sociers arc-en-ciel des Harry Potter, ou encore la société pluri-ethnique des années 1830 dans Bridgerton), se cache donc un plaidoyer pour l'émancipation des femmes, le vrai sujet de ce film. Et cette émancipation, il me semble, passe d'abord et avant tout par le langage... Même si le courageux et exemplaire comportement de l'agent Moss reste là aussi un cas d'école. Les policiers autour d'elles la traitent d'ailleurs comme une inférieure, une potiche, lui interdisant toute initiative. Mr Swan l'humilie en la traitant de complices des suffragettes ("this country has gone to the dogs") et il est très clair sur le fait que le destin de sa fille, aînée de 11 enfants dont tous les autres sont partis, restera chez ses parents jusqu'à ce qu'ils meurent, car elle n'a pas d'autre destin que l'insignifiance...

Mais voilà, dans le film Britannique moyen, le langage est parfois plus qu'une commodité comique, il peut aussi être un indicateur social ou philosophique: c'est précisément parce que Rose Gooding n'a pas le moindre problème à dire les pires horreurs, qu'on la voue à la prison et à l'exclusion. C'est parce que le langage peut paraître libérateur qu'un anonymographe va se jeter sur les pires interjections et les allusions sexuelles les plus immondes, derrière la rassurante obscurité de l'anonymat. Et la langue devient ici un tel facteur d'émancipation, qu'elle permet dans le film au personnage plus corseté des ces 100 minutes d'exploser dans une scène assez réjouissante. Bref, si vous vous sentez, brimé, un petit "fuck", un petit "shit" de temps à autre et le tour est joué... Le film joue cette carte à fond, dans un but essentiellement comique me semble-t-il.

Bon, justement, de voir ces nombreuses scènes de confrontation entre la réserve Britannique et le langage fleuri de Jessie Buckley (rappelons-le, à ce titre, Rose Gooding est quand même le seul personnage qui nous montre ses fesses dans le film, c'est un signe), rythmées de "Foxy arse of a rabbit fucker", c'est effectivement assez drôle aussi...

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Foxy arse