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Souhaitant dès 1915 répondre à D. W. Griffith et à son terrible Birth of a nation qui présentait une vision indigne de l'histoire, et maltraitait de façon inédite et violente la communauté noire pour un triomphe dans les salles, un collectif plus ou moins en lien avec la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People, un organisme qui luttait contre la discrimination et la ségrégation) avait pour souhait d'ajouter une coda au film de Griffith, non de le censurer, au nom de la liberté d'expression. Mais ajouter un droit de réponse cinématpgraphique, en quelque sorte, s'avérait compliqué et ça n'a pu se faire. En lieu et place, Noble a donc dirigé un long métrage, complété sur plusieurs années, et le résultat est étonnant!
Le film s'intéresse à l'histoire de l'humanité, telle que les Etats-Unis en 1918 la voyaient: donc sous haute influence des dogmes protestants. On part donc de la Genèse, d'Adam et Eve (dont les aventures sont rapidement expédiées), et à travers l'histoire de Noé, celle de Moïse, assez développées, puis celle du Christ, on va jusqu'à la découverte des Amériques par Christophe Colomb, puis la Révolution Américaine, puis la Guerre Civile et la mort de Lincoln. Le film se termine sur une évocation des combats de la Grande Guerre, encore en cours au moment de la confection de ce film...
Et constamment, le film semble rappeler si besoin en était (et manifestement, il y en avait besoin en 1918 et il y en a besoin en 2024) que dans cette humanité, il y avait de tout. Des hommes de toutes les origines, comme une séquence qui voit Jesus parler à la multitude le prouve... Et dans ce film, nul besoin de recourir à des acteurs en blackface... L'épisode de la première guerre mondiale enfonce le clou, en montrant deux fermiers, un noir et un blanc, qui se trouvent engagés ensemble dans le conflit de 1918: le même uniforme, la même volonté de servir le même idéal...
C'est fort et (presque) subtil. Presque, parce que le film, à force de suivre les dogmes sagement, se vautre inévitablement dans le ridicule en évoquant Adam et Eve... Au moins Adam n'a-t-il pas le physique de Johnny Weissmüller, c'est un bon point! Et une question se pose: en choisissant une vision religieuse de l'histoire, et en calquant son cheminement sur celui de la Bible, qui n'épargnait pas les noirs, loin s'en faut, la production n'a-t-elle pas remplacé un carcan par un autre?
Question sans réponse, le film est bien conforme à ce qui pouvait se faire à l'époque. C'est bien plus qu'une curiosité: un film presque amateur, fait avec des acteurs pour la plupart inconnus (l'actrice qui joue Eve était une habituée des rôles déshabillés, elle était un modèle très connu et très renommé de l'époque, Doris Doscher, et sinon dans l'épisode moderne, on aperçoit Mary Carr qui était elle aussi une actrice connue sinon reconnue), mais qui est soigné, et maintient l'intérêt jusqu'à son dénouement. Et le film montre aussi que le metteur en scène était manifestement très inspiré... par David Wark Griffith.
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