Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
  • Contact

Recherche

Catégories

19 juin 2024 3 19 /06 /juin /2024 08:24

Après avoir exploré les possibilités d'un James Bond "crépusculaire" avec Daniel Craig, dans le diptyque Skyfall / Spectre, en cassant tout d'ailleurs, après avoir repris la tentation du film-plan séquence avec le mésestimé 1917, Sam Mendes retourne à son péché mignon: l'évocation douce-amère qui fleurit dans le détail, comme il l'avait expérimentée avec ses deux premiers films, American Beauty (sur la famille Américaine) et The Road to perdition (sur le crépuscule d'un gangster)... Et il le fait avec Olivia Colman.

1980: Hilary (Colman) est employée dans un grand cinéma sur la côte dans le Kent, à Margate; elle est rigoureuse, c'est dire: par exemple elle ne voit jamais de film, car elle ne estime qu'elle n'en a pas le temps si elle fait son travail correctement. Et elle a une relation, disons, de confiance avec son patron (Colin Firth) qui de temps à autre lui demande de venir examiner un projet, de jeter un oeil sur les contrats, et bien sûr de passer "sur" son bureau. On comprend aussi que Hilary revient de loin: elle a été internée dans un hôpital, et est sous haute surveillance, en même temps que priée de maintenir son traitement au lithium. 

Au début du film, un jeune employé fait son apparition, Stephen (Micheal Ward), un noir qui a renoncé à ses études en raison du racisme qu'il a rencontré. Ils deviennent vite complices, puis amants. Sentant sa vie changer, Hilary commence à négliger son traitement, et se sent pousser des ailes...

Le film est situé en 1980 parce que le premier but de Mendes était justement d'explorer sa jeunesse, située dans cette période-clé: changements politiques majeurs, montée du néo-fascisme, troubles sociaux majeurs, et mutation musicale. Le plaisir de recréer est évident, mais jamais il ne dépasse la mesure ni le naturel. Et si les souvenirs de Mendes ont été utilisés pour créer un concentré de l'époque, ça passe bien, on échappe au catalogue. On y sent de toute façon la résistance d'un certain patriarcat (le patron odieux, joué par Colin Firth qui s'assoit avec allégresse sur son éternelle image de gendre parfait), la menace sociale (les émeutes de l'ère Thatcherienne, dont les news captées ça et là à la télévision ou à la radio, dans le film, rappellent les dégats et l'inquiétude qu'elles généraient), la menace raciste (à deux reprises, les skinheads s'en mêlent), et le métissage musical en vogue au début des années 80 (Stephen se définit lui même comme un rude boy, dont il porte le costume, et vante la musique de the Selecter, de The Beat et des Specials,  dont la chanson Do nothing est intégrée à une bolie scène)...

Mais surtout c'est un portrait d'une femme, forte mais fragile, qui va voir sa vie changer, l'espace d'un instant, mais aussi changer la vie d'une autre personne, de façon irrémédiable. Elle s'inscrit dans un minutieux portrait d'une époque, et est agrémentée d'une fort belle galerie de personnages, entre le projectionniste maniaque (Toby Jones) et les autres employés qui tous ont une âme, même si elle n'est qu'entrevue. Le choix de Mendes de resposer sur des extraits des films de l'époque (après tout ces gens travaillent dans un cinéma) donne lieu à un parallèle intelligent avec Being there, d'Hal Ashby: l'un des plus beaux films de 1980. Un parallèle qui nous invite à mesurer que, si la fin de ce film est amère, il y a peut-être pour Hilary un espoir.

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Sam Mendes