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Pour le dernier film qu'il réalise pour la série qui porte son nom, Alfred Hitchcock se livre à un exercice de style dans un cadre qu'il affectionne: la vie quotidienne, et son cortège de ptits riens, comme un enfant qui joue dans le quartier de banlieue aisé, ou le retour au pays d'un oncle qui vient de vivre des aventures en Afrique, ou le tranquille début de soirée d'un couple ultra-conventionnel...
C'est donc dans ce cadre banlieusard, typique de l'Amérique (blanche) des trente glorieuses, que l'on rencontre Jackie, un garçonnet bien de son âge, fasciné par l'Ouest, les westerns, et... les armes à feu. Quoi de plus innocent qu'un pistolet en plastique, meme bien imité? Sauf que quand les adultes laissent trainer un vrai revolver, ainsi que les munitions, Jackie ne peut pas résister, et il prolonge son jeu en allant d'un adulte à l'autre, son "jouet" entre les mains, et il tourne le barillet de l'arme partiellement chargée, imitant le bruit de l'arme sans se rendre compte qu'il risque de tuer toutes les personnes qu'il vise...
Nous sommes, bien sûr, les seuls au courant au début, mais très vite les adultes sauront. La scène de la révélation est une petite merveille, qui nous montre avec l'usage de gros plans (notamment des mains) un homme qui se rend compte par le poids de l'arme qu'il vient de ranger, qu'il s'agit d'une arme en plastique... Cet usage du gros plan, déjà abodamment illustrée chez Hitchcock (voir Spellbound ou Suspicion, ou tellement d'autres exemples pertinents), est utilisée par le découpage, à chaque fois que Jackie ajoute une balle, invitant le public à compter et angoisser de plus en plus, et bien sûr, pour chaque nouvelle manipulation de l'arme, pendant que Jackie, ange exterminateur potentiel et inconscient, continue son périple et son jeu.
Le film n'est pas à proprement parler un pamphlet anti-armes, comme on aurait pu l'imaginer (la même intrigue aujourd'hui irait évidemment dans cette direction... du moins je l'imagine), mais bien un exercice dans lequel Hitchcock se fait plaisir: ajouter du suspense à ces scènes de vie apparemment sans intérêt, et placer un grain de sable dans les conventions d'un quartier deséspérément normal... Ou comment rappeler que le suspense, comme le mal, se niche absolument partout.