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16 avril 2025 3 16 /04 /avril /2025 22:16

En 1997, à travers la chaîne HBO, Joe Dante et le scénariste Martyn Burke posaient la question suivante: que se passerait-il si le gouverneur de l'Idaho (Beau Bridges), dopé par sa victoire aux élections sur une plateforme anti-immigration xénophobe et ultra-extrémiste, et par sa rupture avec sa maîtresse (Elizabeth Pena, une journaliste d'origine... Mexicaine, comme quoi), décidait d'un seul coup de fermer ses frontières, avec l'appui de tous les porteurs d'armes, voire carrément de faire sécession? C'est qu'une organisation non-gouvernementale, qui accompagne des enfants réfugiés du Pakistan, a obtenu l'autorisation fédérale de se poser et d'envoyer un certain nombre de quotas d'enfants dans certains états, dont l'Idaho.

Par la même occasion, on apprend incidemment que les américains sont plus obsédés que jamais par ce qu'ils considèrent comme les excès du communautarisme; on entendra, de la part des "braves gens de l'Idaho", énormément d'arguments purement xénophobes, sur "les étrangers qui prennent nos jobs", ce qui était encore un peu caricatural en 1997... De fait, les réfugiés du Pakistan (dans le film, l'Inde a lâché une bombe sur son voisin) deviennent essentiellement une pomme de discorde, plus que des êtres humains...

Au pays du 2nd amendement, celui qui garantit non seulement le droit de port d'armes (avec des variantes d'état en état) mais aussi et surtout le droit des états de faire justice et de se défendre en cas de menace, la Guerre Civile de 1860 n'était finalement pas autre chose.

Mais la situation exposée dans ce film a ceci de particulier qu'en 1997, les médias étaiet déjà omniprésents, et le film explore avec brio la façon dont la crise se joue: en Idaho, d'une part, où le gouverneur, même avec le soutien de sa population, cherche parfois à réévaluer la situation une fois ses rodomontades effectuées; à la Maison Blanche, où le président (Phil Hartman) tente de gérer la crise, avec un certain nombre de ses conseillers (James Coburn, Kevin McCarthy); et enfin dans un grand centre de médias, où les journalistes tentent de gérer à leur façon les nouvelles (Dan Hedaya, Ron Perlman...), pendant qu'ils voient les nouvelles arriver de tous les états où l'armée est stationnée: clairement, l'armée américaine, pendant que le gouvernement tergiverse, est prête à envahir l'Idaho...

C'est une petite tradition saine chez HBO: des films politiques irrévérencieux, extrêmes, piquants et formidablement bien faits. Jay Roach, depuis quelques années, en a fait une marque de fabrique... Mais ici c'est Joe Dante, réalisateur de contrebande s'il en est, rompu à tous les aléas de tournage depuis ses jours auprès de Roger Corman (qui, au même titre que l'inévitable Dick Miller, apparaît dans ce film comme dans tous les précédents): c'est un brûlot, et je le dis sans tenir compte de la situation actuelle des Etats-Unis, où le pays entier est aux mains d'un autocrate qui est rompu à l'idée de n'en faire qu'à sa tête, qu'importe si les idées idiotes qui lui traversent l'esprit sont anticonstitutionnelles... 

En attendant qu'un futur film se charge de tailler plus d'un costard à l'ère Trump, vivement, on a droit avec ce film à un jeu de massacre, dans lequel la preuve est faite: s'il suffit en 1997 d'un état qui décide d'aller dans le sens contraire pour démanteler les Etats-Unis, que penser d'une version des Etats-Unis dont le président envisage de cesser de s'occuper des Etats où on n'a pas voté pour lui?

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Published by François Massarelli - dans Joe Dante