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San Francisco... Un tueur cinglé prend des cibles au hasard et fait savoir qu'il ne fait que commencer: la ville s'inquiète, et convoque le policier responsable de l'enquête, l'inspecteur Harry Callahan (Clint Eastwood), pour lui demander à la fois des résultats (c'est l'un des plus efficaces policiers de la ville), et de la retenue (c'est sans doute parce qu'il est, disons, expéditif, qu'on l'appelle "Dirty Harry"...). La lutte, d'abord effectuée entre le tueur et les braves gens, tourne à une vendette personnelle quand le tueur est remis en liberté à cause d'un vice de forme: Harry, avec son sens aigu de la justice et de sa cause, voit rouge...
C'est le premier d'une série de cinq films, qui seront tous interptrétés par Eastwood, entre 1971 et 1988. Don Siegel et Eastwood ont déjà tourné ensemble, depuis 1968, trois films, mais c'est le premier qui soit distribué par la Warner. Eastwood le produit, via sa société Malpaso, et s'est aussi impliqué plus personnellement, en obtenant de Siegel l'autorisation de tourner une scène, symboliquement. Par bien des côtés, ce film est un passage de témoins entre Eastwood, qui venait de réaliser son premier film quasi simultanément, Play Misty for me, et Siegel, auquel Eastwood dédiera d'ailleurs son western définitif, Unforgiven, ainsi qu'à Sergio Leone...
Harry, ce n'est pas la mauvaise conscience de l'Amérique, ce serait plutôt son âme la plus noire, celle des Américains qui ne croient en rien d'autre qu'en leur pouvoir à se faire justice eux-mêmes... Un credo assumé depuis toujors par le libertarien Eastwood, qui s'est toujours méfié des corps constitués, mais qui en plus est profondément irrité par une certaine tendance en ces balbutiantes années 70, à vouloir faire acte de bienveillance en matière de police. Un amalgame douteux, mais qui a l'avantage ici de créer un contentieux valable entre Harry Callahan, flic intègre mais teigneux, et ses supérieurs, ainsi que les politiciens. Il n'y a pas beaucoup de différence entre cet inspecteur Harry Callahan et le shériff John T. Chance, dans Rio Bravo, un homme qui fait son boulot, et entend qu'on le laisse le faire avec son savoir-faire, sans lui mettre dans les jambes le moindre obstacle. Une mise en perspective foncièrement exagérée, mais influencée malgré tout de façon évidente par l'affaire récente à l'époque (et toujours pas, à l'heure où j'écris, élucidée) du Zodiac... Le film de David Fincher qui raconte cette dernière fait d'ailleurs explicitement référence au film de Siegel...
Mais il n'y a pas que Zodiac, car chez Harry, être redresseur de tort à coups de pelle, clairement, est un boulot à plein temps: il profite donc de toutes les occasions, comme dans cette scène célèbre où il essaie de trouver le temps de anger son repas, avant d'intervenir en face de l'endroit où il mange, car il a repéré tous les signes extérieurs d'un hold-up! La confrontation, à la fin (après un échange musclé de quincaillerie) avec le bandit à terre est restée célèbre pour les mots de Harry qui s'amuse à jouer avec la peur du truand de se faire tuer à bout portant... C'est un trait d'humour, d'un humour profondément noir, mais c'est une façon de souligner ce qui était pour Eastwood une urgence: ne plus s'embarrasser de paperasse, et faire le travail de police, plutôt que de tergiverser! On a accusé l'acteur d'être de droite: il l'est. On l'a accusé d'être un fasciste: trop facile! Harry n'est pas Clint, et réciproquement C'est une caricature pour une fable, essentiellement... Une caricature qui fait beaucoup pour l'aspect baroque du film, et qui joue à fond en faveur du personnage... Car on l'aime bien, y compris quand pour sauver un homme fragile d'une tentative de suicide, il préfère jouer à fond la carte de la provocation ("vous savez, quand les gens sautent, en bas, c'est le bazar, on ne s'y retrouve plus avec tous ces bras, ces jambes..."), plutôt que la psychologie de la douceur!
Harry Callahan n'est pas raciste, il est pragmatique. Il ne souhaite en aucun cas être pris pour un tendre, autant par souci du raccourci, volonté d'efficacité, et sans doute aussi par une certaine pudeur de célibataire! Il souhaite une justice expéditive, mais il garde pour lui une sorte de morale dans laquelle il se veut le représentant des braves gens... C'est sans doute simpliste, mais d'une certaine façon il est le garant de la loi dans un monde qu'il juge en déconfiture, ce qui fait de lui un héritier de la Frontière: le western, décidément, n'est pas très loin dans cette sombre histoire de gros flingue!
Si le film est le reflet à la fois d'une lecture de la société et d'un manque d'autorité établi en principe directeur selon Eastwood, il est aussi à sa façon une déclaration d'amour paradoxale à une ville! Car le San Francisco de Siegel et Eastwood est d'une grande poésie, certes nocturne, faite de ces sighnes distinctifs du film policier, les sirènes, les flingues, les bruitages secs des chaussures et bottines sur le pavé, la musique de Lalo Schifrin... Et ces zooms, cette mise en scène ultra-fluide efficace jusqu'au bout, jusqu'à ce mouvement de caméra en hauteur, qui sera répété cinq fois dans les quatre films qui suivront, tous dus à une metteur en scène différent.
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