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Thelonious Sphere Monk (1917- 1982) a traversé une bonne part du XXe siècle, et si il est probable qu'un grand nombre des gens qui peuplent la terre aujourd'hui ignorent son nom et sa musique, il a profondément marqué l'histoire de la musique Américaine. Il était pianiste, versé tôt dans le jazz et en particulier le bebop, cette révolution qui s'est effetuée chez les jeunes instrumentistes de la musique Afro-Américaines dans les années 40... C'est probablement parce que Monk était unique, et profondément original voire excentrique...
Le film est un portrait documentaire qui évite de ne reposer que sur des "talking heads", ces participants des programmes didactiques qui ont tout vu et tout compris, sont souvent imprécis, et disent beaucoup de choses pour peu de signification. On parle bien sûr, notamment pour situer qui était Monk, ce qu'il a appotré, et pour accompagner le flot d'images et de musique... Car pour un avant-gardiste absolu, Monk a été finalement très documenté! Il a même, le 28 février 1964, fait la couverture du magazine Time, dix ans après son ami et collègue Dave Brubeck...
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Mais si entendre Monk est une expérience sensorielle assez inédite pour qui ne le connait pas, le voir n'est pas mal non plus. Le film n'est pas avare d'images, et non des moindres: le pianiste Monk en scène, bien sûr, ou à la télévision. Seul, en trio (avec la contrebasse et la batterie); en quartet (on le verra brièvement en compagnie de John Coltrane, mais faute d'images, le film fait la part belle aux extraits de prestation du quartet avec Charlie Rouse qui a couvert les années 60), voire en octet pour une tournée qui a été oubliée mais bien documentée, en particulier avec des images de répétition...
On y verra le pianiste se lever de son siège et danser d'une façon étonnante... Car Monk était dans une bulle, une bulle étonnante à plus d'un titre: car si lui tendait à rentrer dans une transe très auto-centrée dès qu'il prenait du plaisir en écoutant ses solistes*, il laissait sa musique, dont il était le plus souvent l'unique compositeur, toucher tous et tout le monde, pendant que lui, en quelque sorte, retournait sur sa planète.
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On y voit aussi le quartet en 1968 (Thelonious Monk, Charlie Rouse au saxophone, le contrebassiste Larry Gales et le batteur Ben Riley) entrer en studio pour y graver des morceaux de l'album Underground... L'accueil aux stuodios Columbia par le producteur Teo Macero, les discussions entre Rouse, respecteux et tolérant, et un Monk partagé entre l'incommunicabilité absolue (il tend à parler seul) et l'espièglerie loufoque ("alors, Thelonious, je joue quoi ici? un Ré ou un Do?" "Les deux si tu veux"), et l'impression est d'assister à une forme innée de génie: car une fois jouée, même sans lui, la musique de Thelonious Monk sonne comme lui.
Il n'empêche, ce grand-prêtre excentrique, avant-gardiste, souvent présenté comme autiste en raison de son choix de peu communiquer, et surtout pas de façon prévisible, il marche dans des rues de new York, où des quidams qui le voient et le reconnaissent, le prennent littéralement dans leurs bras. Ca s'appelle de l'amour, ça... Tout comme l'amitié indéfectible de la Baronne Nica de Koenigswarter, la mécène Franco-New Yorkaise des Jazzmen (c'est chez elle que Charlie Parker est décédé en 1954, et elle a hébergé, outre Monk, Horace Silver et des jazzmen aux vies plus torturées comme Hank Mobley): cele qui lui a donné un toit lui a dédié du temps et un peu de sa fortune comme une mère se sacrifie pour un enfant... Un enfant touchant, mais génial.
Le seul moyen peut-être de s'approcher de lui un tant soit peu étant de l'écouter, Charlotte Zwerin a choisi le meilleur parti-pris: laisser parler Monk ("I'm famous... ain't that a bitch?"), laisser parler sa musique. Ces 89 minutes sont un portrait sensible, secret et unique.
*Monk a commencé à prendre l'habitude de se lever de son tabouret pendant les solos de saxophone ténor de John Coltrane, dont il appréciait l'attitude d'introspection, et les explorations modales de ses compositions. Plus généralement, il y exprimait un rapport complexe, non verbal, affectif et total avec sa propre musique, qui passait par une confiance absolue dans les solistes qu'il avait engagés... A méditer, et à rapprocher si on veut de l'atttude d'un Miles Davis qui lui sortait de scène sans autre forme de procès pour aller fumer une cigarette ou boire un verre, en laissant ses musiciens se débrouiller sans lui...
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