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New Orleans, dans les années 80... Un maniaque tue les protituées, escort girls et autres travailleuses du sexe...L'enquête est confiée à l'inspecteur Wes Block (Clint Eastwood), un homme divorcé, père de deux jeunes filles. La séparation est compliquée, et le policier est amené à visiter les lieux de plaisir où les victimes travaillaient, et parfois à s'adonner aux activités multiples qu'on y pratique... Par ailleurs, le policier est abordé par Beryl Thibodaux (Geneviève Bujold), la dirigeante d'une associaton de défense des femmes et de prévention du viol. Elle souhaite être associée à l'enquête... Mais Block est de plus en plus troublé par la situation qui l'amène à fréquenter de plus en plus de prostituées... Pendant ce temps le tueur suit Block comme son ombre, à moins que ce ne soit le contraire...
D'une part c'est un film noir d'une grande efficacité, et d'un ton assez singulier, avec son héros qui se révèle son propre côté obscur, sas tomber dans le pathos en permanence. A ce niveau, la performance toujours toute en subtilité de Clint Eastwoodfait merveille pour composer un personnage tout en mystère. Comme le fit une prostituée qui agit en tant que témoin, mais va bientôt coucher avec lui, en parlant du tueur: je ne voyais pas son visage, peut-être que c'était vous... La première scène, d'ailleurs, très efficace, installe une incroyable ambiguité: la future victime est suivie par un homme dont nuos ne voyons que les chaussures, une paire de Puma... Il se révèle être un policier dont nous voyons à peine le visage... Puis sans transition nous entrons dans la vie de Wes Block, et le premier plan de lui nous montre ses chaussures: des Puma...
Wes Block n'est pas Harry Callahan, pas plus qu'il n'est Ben Shockley (The Gauntlet), qui était lui-même, par bien des côtés, un Harry Callahan atténué. Non, Block est un brave homme, bravepère de famille qui aime et protège ses filles, les accompagne partout et aimerait bien passer plus de temps avec elle. Il fait bien son métier, a l'estime de ses collègues et supérieurs... Il est sinon respectueux, en tout cas, pas un rebelle à l'autorité, juste un fonctionnaire avec une morale et un gros problème: son épouse est partie, et ça ne passe pas... Dans ces circonstances, sa recherche gourmande du plaisir ressemble à une fuite en avant, qui pose des problèmes justement parce qu'il a une morale, et qu'il finit par se dire que la seule différence entre lui et le tueur est que ce dernier est passé à l'acte... Intéressant que l'acteur ait joué ce film après avoir commencé à insuffler un peu de morale et de doute dans l'ADN de Harry, à travers Sudden Impact, le seul film des aventures de l'inspecteur Callahan qu'il ait dirigé lui-même...
Le terrain de jeu de cette découverte du personnage par lui-même, c'est New Orleans, mais idéalisé, entre jazz dans la rue et prostitution à tous les étages. Pour le jazz, c'est le vieil ami Lennie Niheaus qui s'en charge. L'ancien saxophoniste alto, l'un des oubliés de la West Coast (il a travaillé pour l'orchestre de Stan Kenton, une sommité du jazz de l'Ouest) s'est chargé ici de superviser le jazz de la bande-son, et travaillera à nouveau pour Eastwood en devenant le compositeur attitré du réalisateur, de Pale Rider (1985) à Blood Work (2002). Une des particularités du film, qui peut être due à la méthode Malpaso (Eastwood est très peu dépensier sur ses films) est qu'aucun des personnages n'a la moindre trace de l'accent de Louisiane... Il aurait sans doute fallu payer des lingiustes, des coachs, et entrainer tout ce petit monde, et ça coûte des sous!
D'autre part, venons-en maintenant au fait le plus compliqué à appréhender de ce film, l'un des meilleurs films avec Eastwood dans les années 80: le film était semble-t-il prévu pour être dirigé par Eastwood, mais le scénariste Richard Tuggle rêvait de le mettre en scène. L'acteur a cédé, mais a semble-t-il (les acteurs l'ont souvent dit et répété) regretté d'avoir accepté, car Tuggle était paraît-il trop lent. Ce qui avait coûté à Philip Kaufman son poste en 1976, mais cette fois Eastwood n'a pas pu se permettre de licencier son réalisateur, car le remplacement de Kaufman sur le tournage de Josey Wales avait fortement déplu au syndicat des réalisateurs! Ce qui n'a pas empêché Eastwood, selon les témoignages de l'équipe, de se mêler du tournage, comme l'avait fait Howard Hawks sur The Thing, de Christian Niby...
Tout en étant l'un des mieux réalisés de ses films des années 80, Tightrope renvoie tellement à l'univers de Clint Eastwood qu'il semble difficile de ne pas lui en attribuer au moins la moitié du mérite. La première scène, d'ailleurs, comme bien d'autres, porte sa marque: la pénombre, le jeu des points de vue (celui du tueur en plus de celui de sa victime), et l'utilisation de la caméra pour lier les deux personnages, tout en donnant des signes simples (les chaussures, la silhouette de la femme qui l'identifie assez facilement, etc). La façon dont l'acteur, aussi, se lance à fond dans la démonstration toute en subtilité de sa complexité, en fait un personnage (masochiste, comme toujours) totalement Eastwoodien...
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