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9 août 2011 2 09 /08 /août /2011 16:12

Après Liliom, on peut dire que Borzage a fini de refaire ses preuves: il a assez confortablement passé la rampe du parlant. Son style de film distinctif de la fin du muet ne refait pas surface, mais il a un style bien à lui, qui se retrouve en particulier à la Fox avec ses trois dernières productions pour le studio, et surtout avec ce film. En racontant ici les aventures quotidiennes de Ed et Dot Collins, il se veut le peintre d'une Amérique simple, sans tambour ni trompette, et on a le sentiment qu'il rejoint un peu le Vidor de The Crowd, la dimension essentiellement dramatique en moins. Ici, tout finit par tourner à la comédie... Ce film est adapté d'une pièce, qui était nettement plus scandaleuse que ne peut l'être le film, et dans ce qui reste de l'histoire originale, on peut légitimement se demander ce qui motive le titre Bad girl...

Dot Haley et Ed Collins se rencontrent, s'aiment, et à la faveur d'une soirée qu'ils ont passé ensemble jusqu'à quatre heures du matin, prenent la résolution de se marier. ils s'installent ensemble, mais leur bonheur est entaché par des petits tracas, liés au fait que chacun d'entre eux se sent incapable de dire la vérité à l'autre: Dot n'ose pas dire à Ed qu'elle attend un bébé, et Ed n'ose pas avouer son bonheur. Pire: il est résolument incapable de lui avouer son amour... ce ne sont pourtant pas les preuves qui manquent.

Il n'y a pas un grand enjeu ici, si ce n'est d'attendre que ces deux tourtereaux cessent de se raconter des bêtises, et regartdent leur bonheur en face. Bien sur, ils sont très touchants, et Borzage s'est amusé à faire d'Ed un petit frère de Chico de Seventh Heaven (Il fait visiter à Dot une maison ou ils vont vivre, en n'oubliant pas de lui montrer l'accès au tout) et de Liliom (Il prend tout de haut, et fait le matamore en permanence, plutot que d'avouer ses sentiments. Mais Ed est fragile, et le dialogue l'aide à faire passer quelques fragments de ses émotions, en particulier quand il s'effondre en larmes devant un médecin auquel il vient demander à genoux de s'occuper de son épouse. Dot, elle, est une jeune femme qui côtoie la misère, dans une scène traitée depuis une cage d'escalier: Ed l'a raccompagnée chez elle mais elle ne veut pas rentrer, tant elle est bien avec lui. Tous les voisins passent  et repassent dans l'escalier, les uns se disputant, les autres souffrant, et la vie dans toute sa simplicité apparait sans qu'on s'introduise chez les gens: on reconnait le talent de Borzage pour nous faire voir l'humanité par ses arrière-cuisines...

A noter, au début, une scène qui surprend par l'humour qui s'en dégage: on croit que Dot va effectivement se marier; elle est en costume, prête à se jeter à l'eau, fait part de sa nervosité à sa copine Edna, elle-même habillée en demoiselle d'honneur. Elle va ensuite, au son de la marche nuptiale, avec les autres demoiselles d'honneur... dans un défilé de prêt à porter, dont elle est le nouveau modèle. Borzage, très attaché au mariage fut-il de contrebande, nous a bien eu avec le début de son film. Il obtiendra pour ce travail excellement mené, même si mineur dans son oeuvre, l'Oscar du meilleur metteur en scène pour 1931...

Ce film se regarde comme un rien, malgré l'évidente émasculation due à un scénario aseptisé autant que possible. La comédie un peu triste basée sur l'accumulation de gentils mensonges d'Ed à la fin, finit par alourdir un peu le dénouement, mais tout s'arrange pour le mieux... Borzage est de toutes façons à l'aise face à ces petites gens (Sally Eilers, James Dunn) qui se marient presque par hasard, avec une demande faite entre deux portes, presque comme on se gratte le nez, par un gaillard incapable d'avouer son amour. Le thème de Cendrillon est bien présent, et l'ensemble est une charmante comédie; mais à voir ce film qui en préfigure certains aspects, sans jamais s'attacher au sacré, il nous tarde d'arriver à A man's castle...

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Published by François Massarelli - dans Frank Borzage Pre-code