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Après l’énorme Brazil, dont les problèmes de tournage, de montage, de budget, et de sortie (Universal ne voulait tout simplement pas le sortir) ont été très amers, Gilliam s’est attaqué à… pire. Conçu en compagnie de Charles McKeown, déjà co-scénariste de Brazil, Munchausen s’occupe à montrer de quelle façon un vieillard peut régler finalement tous les conflits grâce à la puissance de l’imaginaire.
Dans une Europe ravagée par les guerres, une troupe de théâtre donne une pièce adaptée des « souvenirs » grandiloquents du Baron de Munchausen. Celui-ci, désormais un vieillard, intervient et décide de donner sa version des faits. Avec la complicité de Sally, jeune fille-comédienne, et de ses vieux compagnons retrouvés au hasard des épisodes, il entremêle alors la vérité et la fiction, quitte à se perdre dans une histoire qui nous emmène sur la lune, au fond d’une baleine, et dans un volcan…Nous assistons à l’étrange ballet des corps et têtes dissociés du roi et de la reine de la Lune, à des exploits réalisés par les étranges amis du Baron, ainsi qu’à la jolie naissance très Botticcellienne de Vénus, interprétée par la jeune Uma Thurman.
Il ya peu à analyser en surface dans ce film, qui construit une histoire très savamment en enchaînant les morceaux de bravoure ; Gilliam lui-même avoue ne pas savoir de quoi il parle, même s’il n’est pas difficile d’y voir l’affirmation par un artiste de la toute-puissance de l’imaginaire, ainsi que la présence obsessionnelle d’une Angleterre Thatcherienne, déjà la cible de Time Bandits, Brazil et Crimson permanent insurance. Cette Angleterre bureaucrate qui s'interdit de rêver, compte sou à sou et veut empêcher le bonheur, est confiée à Jonathan Pryce, tout un symbole...
De toute façon, le film est surtout une magnifique construction, dont chaque séquence est soignée à l’extrême, et chaque plan présente un défi. Les acteurs, les techniciens, tout le monde a fini le tournage exténué, mais le résultat vaut le détour: pour peu que le spectateur l’accepte, le voyage est extraordinaire; il faut juste y croire. Outre le fameux réveil de Vénus (En présence d'un Oliver Reed survolté dans l'un de ses rôles les plus géniaux), on signalera une des plus belles séquences surréalistes de l’histoire du cinéma, lorsque le vaisseau-montgolfière de Munchausen « alunit », dans ce qui semble être une mer calme, et qui est en fait le sol sablonneux de la lune… Le Baron va d'aventure en aventure en rajeunissant ou vieillissant au gré de ses humeurs et de sa fantaisie. IL va jusqu'à incorporer sa propre mort à son récit afin de mieux en triompher.
Ce film a sans doute coûté sa carrière de réalisateur respecté à Gilliam, désormais condamné à aller de studio en studio en quête de travail. Il saura souvent sauver la face, et même faire de grands films, mais ne retrouvera jamais les conditions de toute puissance dans lesquelles il aura tourné ce film. Une page se tourne, avant de voir Gilliam aller faire quelques films aux Etats-Unis, dans l’espoir de voir aboutir son projet d’adaptation de Watchmen. Ce qui n’arrivera, bien entendu, jamais.