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25 janvier 2014 6 25 /01 /janvier /2014 18:24

Barton Fink et sa palme d'or, c'est un peu l'envol pour les frères Coen, qui passent du statut d'artistes établis mais qui ne remplissent pas les salles de façon encore significative, à celui de metteurs en scène consacrés. Leur quatrième film ne ressemble à aucun des trois précédents, mais des contours stylistiques se dessinen désormais, qui vont créér une passerelle avec tous ceux qui suivront... Par contre il est fort difficile, contrairement à tant de leurs films, dont tous ceux qui ont précédé Barton Fink, de définir un genre pour le film...

 

Les deux frères ont sacrifié au film noir (Blood Simple), à la comédie burlesque (Raising Arizona), à une sorte de néo-film de gangsters (Miller's crossing), et s'attaquent à Hollywood dans une oeuvre noire, lente et sardonique qui prend volontiers le contrepied de toutes les histoires liées à l'arrivée d'un outsider à la Mecque du cinéma: la capitale du rêve se transforme assez rapidement en capitale du cauchemar pour Barton Fink. Suite au succès d'une pièce à Broadway, il se voit offrir un travail à "Capitol studios", une major company (Fictive, mais largement inspirée de la MGM, qui employait Wallace Beery abondamment cité dans le film durant la période concernée); bien qu'il n'ait aucune envie de faire le jeu d'Hollywood, Fink s'exécute, sachant qu'il a besoin d'étendre sa renommée... Et débarque dans un océan de solitude, de bêtise, de décadence et de mort, ou en lieu et place du rêve cinématographique les pires horreurs vont se réaliser...

 

Le film commence par un prologue qui serait presque la présence d'un genre à lui tout seul, le cliché du dramaturge sur de son art, insatisfait par le succès à cause de ce qu'il recèle de compromis, qui se voit offrir une place dans le temple du faux qu'est Hollywood, en compagnie de parvenus tous plus ridicules les uns que les autres, dans restaurant chic à Manhattan; l'arrivée dans la capitale du cinéma se fait d'abord dans un hotel, dont l'unique personnel visible dansle film est Chet, un groom serviable interprété par Steve Buscemi à son plus mielleux. Dès le départ, l'impression de Barton Fink (John Turturro), que nous partageons aisément, est que ça va mal se passer; un moustique, des morts, un serial killer, une enquête de police et des entrevues humiliantes avec des marchands de pellicules incultes plus tard, l'impression tend à se confirmer.

 

Disons que si on applaudit le courage de se moquer d'une industrie qui les accueillait alors à bras ouverts, il n'en reste pas moins que l'humour desespéré qui marque Barton Fink et informe chaque scène au vitriol laisse peu d'espoir, et on comprend de fait que les deux frères se soient ensuite essayé à un pastiche de Capra (The Hudsucker Proxy)... Leur retour à l'humour noir se ferait alors plus fort, avec le superbe Fargo. En attendant,  accrochée au mur de la chambre de Barton Fink, une image le hante, celle d'une jolie fille en maillot révélateur, assise de dos face à l'océan; si cette image de belle fille représente son rêve d'accomplissement et de réussite (Relative...) à Hollywood, avec ses proportions d'écran de cinéma (Anachronique, c'est à peu près du 1.66...), puisque ce sera la dernière image vue, en réalité sur une vraie plage avec une vraie fille, à la fin du film. Mais l'accomplissement du rêve dans ce film onirique passe aussi par la présence insistante d'un personnage qu'on a déjà vu chez les frères Coen, et qu'on reverra sous de multiples formes: cette fois sympathique, forcément complice et tentateur, sémant le feu, la mort et le chaos partout ou il passe, le diable est le personnage le plus présent dans l'oeuvre des frères Coen.

 

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Published by François Massarelli - dans Joel & Ethan Coen