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9 février 2013 6 09 /02 /février /2013 08:34

Au moment d'entrer dans l'intrigue, dans la vie tumultueuse de Clyde Barrow (Warren Beatty), et bien sur dans l'Histoire, Bonnie Parker (Faye Dunaway) est nue, seule dans sa chambre et s'ennuie mortellement, tant moralement que physiquement. Sa frustration la rend prète à tout, y compris à suivre le bel inconnu qu'elle va apercevoir à l'extérieur, tentant de voler la voiture de sa vieille mère... Elle l'apostrophe, il l'invite à aller avec elle, et commence une cavale picaresque de légende. Mais dès le départ, Penn a fait de Faye Dunaway une enfant qui vient de naitre, attendant à la fois une raison de vivre et une identité, un destin. Elle sera souvent le moteur et la motivation du couple, tout en éclairant ce qui les fait avancer: "we rob banks": ce que nous faisons, c'est de cambrioler les banques. Quoi d'autre? c'est la crise, et la loi est semble-t-il occupée ailleurs; on aperçoit bien des affiches de Roosevelt ici ou là, mais personne ne s'en préoccupe, et le Texas des années 30 a semble-t-il du mal à entrer de fait dans le XXe siècle. C'est à cela qu'on peut attribuer cette étrange mais séduisante nudité totale du personnage, qui renvoie autant à la symbolique (Début, naissance) qu'à la mode (En 1967, le concours à la nudité est ouvert et bien parti dans le cinéma Américain qui sort de 30 années corsetées...).

 

Et Bonnie est plus encore que l'âme du couple, elle est son coeur, son cerveau (Il semble que l'impulsif Clyde soit un peu dégarni en matière grise, et ses complices ne valent guère mieux): elle va jusqu'à s'improviser biographe, à travers un poème célèbre, qui laisse entendre qu'elle a tout envisagé depuis le début, y compris et surtout la mort, inscrite au coeur de leur cavale, là ou Clyde semble croire qu'il se contente en étant un brigand d'appliquer son droit à la quête du rève Américain... L'une desleçons du film est que ces moins-que-riens qui volent, pillent et tuent, ont toujours quelqu'un de plus mal lotis qu'eux pour les aider. Une étrange vision, peu courante, de l'Amérique! Et dans ces années 30 de la crise, la motivation essentielle de la plupart des protagonistes, c'est la notoriété: il est frappant de constater à quel point cette idée de laisser un nom dans l'histoire (Quite à se faire tuer en conséquence) semble agiter toute personne dans cet univers de marasme.

 

Le film est une évocation souvent pittoresque, drôlatique, rendue exagérée par l'usage d'accents et d'emphase volontiers poussée. Les fuites en voiture avec Bluegrass interprétée au banjo, les plans tournés vite faits et mal post-synchronisés après, les accents outrés (On pense à ce niveau aux Frères Coen, d'ailleurs), cachent une montée de la violence qui est inéluctable, et qui va culminer dans un bain de sang célèbre. N'empêche, avec ses personnages de tueurs sympathiques, de losers évacués du rêve Américain, et de gens qui gardent une éthique absurde (Clyde Barrow vole, sauf lorsqu'il croise un paysan malmené par le système, qu'il épargne.), le film se veut sans aucun doute social et révolutionnaire. Bonnie Parker incarne, le temps d'une cavale, beaucoup plus que Clyde manifestement né pour être un bandit, l'idéal passionné d'une fuite en avant vers le crime présenté comme une possibilité alternative pas beaucoup plus scandaleuse qu'une autre carrière...

 

 

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Published by François Massarelli - dans Arthur Penn