Le film de Wellman, produit par la compagnie alors moribonde Twentieth Century Pictures (Qui allait un an plus tard fusionner avec Fox) est très éloigné du livre de Jack London, et comment s'en étonner? L'idée d'une oeuvre cinématographique qui serait centrée sur un chien, et accessoirement des humains, vus du point de vue de l'animal, semble totalement ahurissante pour 1935. Donc, le script du aux plumes conjuguées de Gene Fowler et Leonard Praskins recentre sur un groupe d'humains, là où le roman donnait essentiellement un compagnon au héros canin. Pourtant, la réappropriation à laquelle s'est attelé Wellman n'est pas si éloignée qu'on aurait pu le croire du roman; pour commencer, le metteur en scène et son (Tout petit) studio ont fait le choix de tourner dans la nature, et d'imposer à l'équipe technique aussi bien qu'à la distribution des conditions de tournage difficiles. Ensuite, avec Wellman aux commandes, un film d'aventures n'est pas à proprement parler une bluette... et de fait, si la lettre a été trahie de façon évidente, l'esprit est là, même si un happy-end de rigueur semble contredire le propos de London.
Passant outre sur toute la première partie de l'histoire, le film commence avec le plus significatif des épisodes: en Alaska, le chercheur d'or Jack Thornton (Clark Gable) reçoit de Shorty (Jack Oakie) un tuyau qui va lui permettre de se refaire: une mine d'or qui appartiendrait à un prospecteur venu de l'est, et qui apparaît prometteuse... Ils se procurent le matériel, et des chiens, dont Buck, un impressionnant animal, mi-sauvage, avec lequel Thornton se lie très vite. Ils se mettent en route, et portent secours à Claire (Loretta Young), l'épouse de Blake, le propriétaire de la mine. Celle-ci ne sait pas ce que son mari est devenu après qu'il l'ait quittée pour chercher de la nourriture. Les trois font désormais équipe, et vont chercher la mine ensemble, mais ils vont au-devant de sérieux ennuis: d'une part, un prospecteur riche et sans scrupules, Smith (Reginald Owen) en veut au chien, mais aussi à l'or; d'autre part, les sentiments complexes de Thornton et Claire vont aussi poser des problèmes...
Un décor de forêts et de montagnes hivernales, que Wellman a trouvé dans le parc National de Mont Baker (Etat de Washington) plutôt que dans les hauteurs du Nord californien, l'endroit ou d'autres dont Chaplin ont recréé l'Alaska: c'est évidemment un endroit rêvé pour Wellman, qui a à coeur de montrer l'homme en proie aux rigueurs de l'aventure... Que le tournage ait été difficile ou non importe peu, la vérité de ce qui est montré à l'écran est assez forte, et le lyrisme des images emporte facilement l'adhésion; l'idylle (Partagée avec la réalité, semble-t-il) entre Gable et Young, marquée par le sacrifice et une tension sensuelle qui allait se raréfier en ces années de recadrage de la censure, se conjugue bien avec une histoire marquée par les symboles, dans laquelle "l'appel de la forêt", incarné par le chien Buck, est pour Thornton une tentation permanente, tout comme le mal, incarné cette fois (20 ans avant Track of the cat) par un être humain, le pittoresque Smith qui reste avant tout une figure presque Satanique. Le style de Wellman est comme d'habitude solide, musclé, et marqué par une beauté constante, et un sens de la composition qui laisse plus d'un collègue sur le carreau. Même si on est loin de Jack London, on est en plein territoire Wellmanien, et ce n'est pas mal non plus...