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1 janvier 2013 2 01 /01 /janvier /2013 17:32

Il y a un commencement à tout; par exemple, Captain Blood: c'est le premier film parlant spectaculaire de Michael Curtiz, le premier film de pirates à la Warner depuis les années 20 (Et encore ceux-là étaient généralement des films importés de la Vitagraph ou de la First National, les compagnies avalées par WB durant la décennie), la première grosse production à confier un premier rôle à Errol Flynn, et la rencontre de celui-ci avec Olivia de Havilland. L'année 1935, qui voyait le code de production (Supposé amener une auto-censure plus drastique de la part des studios eux-mêmes) se renforcer, voyait également les studios retrouver les films à panache, les grosses productions et le "swashbuckler". Cette même année, la WB sortait A midsummer night's dream (Max Reinhardt et William Dieterle) et préparait Anthony Adverse (Mervyn Le Roy), la MGM obtenait l'Oscar du meilleur film avec Mutiny on the Bounty (Frank Lloyd)... C'était donc une période charnière.

 

De tous ces débuts, le film de Curtiz est surtout notable pour être le début de la carrière Hollywoodienne proprement dite de Flynn: c'est Curtiz qui l'a signalé au studio, en remplacement de Robert Donat qui était le premier choix. L'acteur de Tasmanie allait donc pouvoir interpréter son premier Irlandais... Peter Blood n'est pas un pirate, c'est un médecin: lors de soulèvements protestants contre Jacques II, il ne lève pas le petit doigt, estimant être pus utile à tous en tant que docteur. C'est donc parce qu'il a soigné un rebelle qu'il se fait arrêter. Avec d'autres condamnés à mort, il est envoyé à Port Royal comme esclave, ce qui rapporte plus à la couronne que de les exécuter. Là, il doit supporter le joug du tyrannique Colonel Bishop, aide camp du gouverneur. Par contre il s'attire les bonnes grâces de ce dernier en soignant sa goutte; il tombe amoureux de la nièce du colonel, la jolie Arabella, qui a tout fait pour alléger sa charge... A la faveur d'une attaque Espagnole, Blood et ses camarades s'évadent, chapardent un bateau aux Espagnols, et se font pirates...

 

Peter Blood est l'archétype du héros joué par Flynn: apolitique de coeur, il ne prend parti que contraint et forcé, pour des raisons humaines toujours, jamais idéologiques. Capable d'indulgence envers le camp adverse, à plus forte raison si Olivia de Havilland y figure (Arabella Bishop comme Maid Marian Fitzwater), il est aussi un Irlandais cabochard dont les vertus sont parfois entâchées d'un soupçon d'arrogance (Custer, Blood), d'une tendance à la vengeance qui est d'abord et avant tout une tenace rancune: Peter Blood en veut particulièrement, non à la couronne, mais au roi Jacques II. quand celui-ci est déposé, il abandonne la piraterie et se porte immédiatement au secours des Anglais qu'il vouait à la mort quelques secondes auparavant... C'est un meneur d'hommes porté par un code d'honneur très strict, qu'il n'impose qu'en en démontrant la nécessité... Beaucoup plus complexe et entier que bien des héros, il n'hésite jamais à joindre le geste à la parole, ce qui nous donne d'impeccables scènes d'action. Il est secondé par la fine fleur de la Warner: Guy Kibbee, Ross Alexander, et doit croiser le fer avec Lionel Atwill (Bishop) ou le grand Basil Rathbone (Le pirate Français Levasseur, qui a décidé de vivre en dehors du code d'honneur de Blood...). Et il tombe bien sur amoureux de celle qu'il recroisera sept films durant: Olivia de Havilland, l'autre grande découverte du film; Arabella est un personnage complexe là aussi, mue par autre chose que ses sentiments de classe, elle est clairement attirée par Blood, envers lequel elle nourrit sans doute bien plus qu'un intérêt matrimonial.Son tempérament fait d'Arabella une égale, ou en tout cas une femme qui dépasse le rôle conventionnel de potiche.

 

Michael Curtiz a mis du temps à revenir à un film de l'ambition de celui-ci. Mais son métier impeccable, et ses états de service irréprochables lui ont sans doute valu d'être considéré par la Warner comme le seul à même de mener un tel spectacle à son terme. C'est un pari tenu, et le metteur en scène le signe dès le début, dès cette scène qui voit Jeremy Pitt, à cheval (Un souvenir de la fameuse chevauchée de Paul Revere pour fédérer le public Américain? Peut-être...), se mettre en quête d'un médecin pour soigner un de ses compagnons de rebellion. Le mouvement, dès la première image: c'est une tradition qui a la peau dure chez le réalisateur fasciné par la notion même de locomotion, qui entend ainsi signaler que le cinéma se doit de bouger. Et c'est parti pour un film dont chaque scène est parfaitement intégrée à une continuité solide, pour 119 minutes... Curtiz accompagne la destinée du vagabond des mers Peter Blood, à nouveau un héros de ses films qui a la bougeotte, et nous le montre aspirer à une idée de conquête et de pillage, certes, mais avec décence. Apolitique par nature, comme d'autres personnages de Curtiz, il se situe de lui-même hors du droit Anglais, à l'écart de tous, à la recherche d'un idéal qui n'existe pas encore, mais qui pourrait bien être l'Amérique... Le film n'est pas un pamphlet, pourtant. Curtiz est trop occupé à faire le meilleur des films de pirates possible, et y parvient semble-t-il sans peine! Il convoque suffisamment de scènes obligées, d'humour, et de possibilités de s'identifier à la quête de Blood, pour permettre au public de s'y retrouver parfaitement. Les scènes de bataille portent sa marque, c'est-à-dire qu'elles sont épiques, montées de mains expertes, et filmées au plus près: la caméra est au milieur du bateau, et les plans semblent s'approcher toujours plus près des visages et des armes...

 

Au beau milieu des années 30, donc, Captain Blood rend une nouvelle jeunesse à un genre tout entier, le recrée de fait. impossible d'imaginer après ce film une épopée de pirates qui n'en aurait pas subi l'influence, un héros qui aurait vu le personnage créé par Flynn. Ce film va placer Curtiz au sommet de la Warner, le rendre définitivement incontournable... et en plus, Captain Blood est totalement irrésistible! Chef d'oeuvre, donc, en plus d'inaugurer une noucvelle ère...

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Published by François Massarelli - dans Michael Curtiz Olivia de Havilland