Une exception toutefois à l'immobilité constatée de la caméra: avec son nouveau chef-opérateur (Rollie Totheroh, qui restera jusqu'à 1948...), a utilisé une série de travellings lents, avant et arrière, appelés à l'époque "Mouvements Cabiria" en raison de leur présence remarquée dans le film épique du même nom de Giovanni Pastrone (1914). Une caméra qui bouge, ce n'est pas autre chose qu'une rareté chez Chaplin. Sa principale matière première, c'est l'acteur, et bien sur lui-même. Il est excellent, bien sur, vampirisant chaque plan, mais il a sur s'entourer avantageusement: parmi les acteurs, on remarquera Ben Turpin, l'acteur qui louche, qui a droit à un crédit à la même hauteur que Chaplin lui-même: on sent le metteur en scène à la recherche d'un partenaire, ce qui lui passera. Sinon, Charlotte Mineau joue la grande actrice (A tous les sens du terme) mais ne fera jamais suffisamment figure d'héroïne pour Chaplin, qui n'a pas encore trouvé la grande Edna Purviance, dont il fera son actrice principale sur un grand nombre de films. Leo White compose deux silhouettes, sur les deux bobines de ce film, et on le reverra sur la plupart des films Essanay. Bien sur, il convient de la mentionner: la dactylo qui travaille au fond de la pièce dans le premier plan, n'est autre que Gloria Swanson. Tous ces acteurs ont donc du suivre Chaplin à Chicago, y compris Swanson qui n'apparait que quelques secondes.
Ce film très sagement construit se démarque donc de la production Sennett par son absence de frénésie, presque par sa sagesse. le propos tend un peu à se perdre, on aurait aimé plus d'interaction notamment avec Turpin, mais il est clair que Chaplin a déjà une grande part de son style en mains, et il va bientôt pouvoir continuer à expérimenter, tout en affinant plus avant son personnage. Voilà quels vont être les enjeux de son contrat avec l'Essanay.