Avec sa générosité coutumière, le réalisateur-acteur Tim Robbins, clairement engagé dans les combats emblématiques de la Gauche Américaine (Peine de mort, mais aussi restauration de la démocratie, combat contre les excès du libéralisme et l'ingérence coupable des Etats-Unis dans les conflits du tiers-monde, et bien sur l'égalité raciale, sociale des minorités), a probablement fait le film définitif sur la peine de mort, oubliez The green mile (qui possède certes des qualités) et ses gadgets.
A la Nouvelle-Orléans, Soeur Helen Préjean accepte de répondre à la sollicitation d'un jeune condamné à mort qui cherche quelqu'un de l'extérieur pour accomplir des formalités. devant les échecs répétés de ses démarches (Appel, demande de grâce au gouverneur, etc), Matthew finit par comprendre qu'il lui faut se préparer, et demande à la Religieuse de devenir son guide spirituel. Problème: Matt n'est pas qu'un meurtrier, il est aussi un être raciste, haineux et assez difficilement contrôlable, qui refuse de reconnaître sa responsabilité dans le meurtre. Tout ceci se déroule dans le Sud des Etats-Unis, dans un climat de tension autour de la peine de mort...
Dead man walking a choisi le seul chemin possible pour un film militant sur ce sujet: prenez un acteur, un vrai, et confiez-lui le rôle d'un assassin, un vrai. Si le personnage est innocent, voire illuminé et christique, ça ne prouvera rien. Tous les avocats militants pour abolir la peine de mort vous le diront: critiquer la peine de mort parce qu'elle peut tuer des innocents revient implicitement à l'approuver quand la victime de l'exécution est coupable. Voilà pourquoi Sean Penn, génial de bout en bout, interprète Matt Poncelet, un type qui a tout pour être franchement détestable, et qui est, ça ne fait pas de doute, coupable du meurtre et du viol dont il est accusé.
Après, si le film cherche, dans le sillage du livre de Soeur Helen Préjean dont il est adapté, à nous convaincre, il le fait sans pour autant faire taire les voix discordantes, et c'est l'une des grandes forces du film que de laisser la parole à tous ceux qui souhaitent conserver cette manie ahurissante et barbare de zigouiller légalement leur prochain. Ainsi, les parents de victimes peuvent-ils s'exprimer, parler de leur ressenti légitime, de leur douleurs et de leurs doutes. Ainsi les gens dont le métier est de tuer légalement, enfermés dans un système judiciaire qui les oblige à accomplir un devoir particulièrement lourd, ont-ils tous une justification, et on se met à leur place... On entend aussi, dans une scène, la voix de l'extrême droite Américaine, sur la radio, lorsqu'un prédicateur remonté voue les adversaires de la peine de mort à l'enfer, et profère des menaces de mort à peine voilées...
Mais tout ceci se passe dans une certaine dignité, à l'image de Susan Sarandon interprétant une Helen Prejean qui oppose doucement les enseignements évangéliques du nouveau testament (Basé sur la rédemption) à la loi du talion préférée par l'ancien testament. Et c'est un autre aspect du film qui est frappant: adapté d'un livre écrit par une religieuse, dont l'actrice principale incarne le personnage, qui ne met jamais en doute sa propre foi, le film réussit quand même à respecter les consciences, en particulier dans cette opposition entre deux types de foi qui proviennent pourtant des mêmes sources.
Enfin, avec ce film, on suivra un condamné, et on verra de quelle manière la justice devient le paradoxal droit de terminer la vie d'un être humain, sous prétexte qu'il faut venger ses victimes. Rappel: tout être blessé en sa chair parce qu'on aura tué un proche ou plusieurs, parce qu'on aura violé sa fille ou son fils, est légitimement en colère, c'est une évidence. Mais la justice ne doit pas être confiée à la colère. La peine de mort est non seulement absurde, elle serait non seulement risible si elle n'était si dramatique: elle est la négation même de l'humanité. La soutenir, c'est soutenir le pire, en toute circonstance, c'est se dire qu'il faut confier la justice à ceux qui ne sont plus en mesure d'avoir la tête froide. C'est pourquoi à l'heure actuelle 60% des Américains sont en train de se convertir à l'idée que la prison à vie, non compressible, qui d'ailleurs toutes les études l'ont montré, coûte moins cher à l'état que l'exécution, est préférable en toute circonstance. On n'a plus qu'à convaincre le Texas et ses condamnés en attente d'une exécution... (écrit en 2011)