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5 août 2011 5 05 /08 /août /2011 15:58

Peu connu, Doctors' wives est un petit mélodrame quotidien qui par certains cotés renvoie parfois au canon Borzagien de fort belle façon, tout en étant un brin suranné... Pour commencer, le titre, comme le film, renvoient à cette époque durant laquelle il n'y avait pas vraiment de femmes médecins. Warner Baxter est un docteur très couru, en particulier par les dames, qui se marie avec une charmante jeune femme (Joan Bennett) mais celle-ci va très vite découvrir que l'emploi du temps de son mari n'a que très peu de place pour elle, et la jalousie va s'installer, et faire son oeuvre, surtout lorsqu'une femme va jeter son dévolu sur le beau docteur sans aucune retenue. cette dernière ne parviendra à détourner le bon docteur du droit chemin que dans l'imagination de l'épouse, mais cela précipitera quand même la séparation...

 

Inspiré d'un roman de l'époque, le film a donc bien vieilli, mais on en retiendra beaucoup de menues qualités. Le metteur en scène commence son film en s'intéressant au docteur Penning, pour mieux passer à son épouse, dont le point de vue va dominer le film: son amour frustré, ses tentatives pour faire en sorte que le médecin lui consacre plus de temps, sa rencontre avec un médecin encore plus absorbé dans son travail que son mari (Victor Varconi, plus histrion encore qu'à l'habitude)... Nina est un personnage dont l'amour inconditionnel peine à trouver le renoncement de soi qui sauve le couple à la fin. Bien sur, des petits indices ça et là pourraient faire glisser le film vers une certaine forme de féminisme: le fait que Nina souhaite 'travailler' avec le docteur avant qu'ils ne se courtisent, par exemple, ou encore le fait qu'ils ne se retrouvent après leur séparation que dans un milieu professionnel, lui en médecin et elle en infirmière. Mais non: l'idée, c'est de les réconcilier en tant que mari et femme, et donc elle doit rester à la maison, et lui travailler... le mariage des deux, soudain et précéipité, obéit à l'inévitable loi des mariages Borzagiens: à partir du moment ou baxter et bennett se sont retrouvés au restaurant face à face, il devient inéluctable qu'ils ne peuvent plus se quitter. La jeune femme est particulièrement mutine: lorsqu'il veut la raccompagner à son taxi, il lui dit en blaguant que le chemin ne comporte aucun danger, et elle semble déçue. C'est elle qui insiste pour que le mariage ait lieu le soir même si possible, et bien sur un objet symbole de leur amour, plus que du mariage va servir de fil rouge à leur union: une guirlande de fleurs portée par le jeune femme à sa robe lors de leur premier rendez-vous est déposée sur un fauteuil juste avant le départ de la jeune femme, comme pour symboliser la rupture du lien.

 

Le personnage de Kane Ruyter, le scientifique obsédé par son travail, est un type Borzagien qui reviendra, notamment dans Green light. Il fait preuve d'un sens du sacrifice très important: non content de vivre tout entier pour son oeuvre (Il travaille sur le cancer), il est manifestement amoureux de Nina, et le personnage agit à la fin du film d'une façon extrême: il a un accident grave, ce qui va ensuite provoquer la rencontre entre les époux séparés: elle comme infirmière, lui comme chirurgien. Bien sur, qu'il ait un accident dans sses expériences ou qu'il ait décidé d'attenter à sa vie, il n'aurait absolument pas pu prévoir la suite des évènements, mais on n'en a cure. de fait, le sacrifice symbolique auquel il consent ou dont il est la victime innocente est la seule façon de concilier l'inconciliable, de faire en sorte que Nina vive l'abnégation de son mari de l'intérieur (D'autant que la jeune femme n'est pas exempte de contradictions, puisque Nina en veut à son mari de ne pas lui consacrer assez de temps, mais admire cette même abnégation chez Ruyter), et consente enfin à passer parfois après le métier de son mari...

 

L'absence de commentaires et d'études de ce film s'explique sans doute par le fait qu'il soit peu vu, peu disponible, et que d'après la copie que j'ai visionné, il est en très mauvais état, contrairement à la plupart des films mis à disposition par la Fox dans le fameux coffret de 2008 (Dont il était mis à l'écart). C'est dommage, car si le film est avant tout une petite chose mineure, les connaisseurs et admirateurs de Borzage y trouveront toujours leur compte, que ce soit dans les parcours de certains personnages, ou tout simplement dans une mise en scène qui épouse un rythme plus vivant que dans ses précédents efforts, et construit à l'occasion une tension palpable, comme dans les nombreuses scènes situées dans la salle d'attente (Ou les conversations sont lourdes de sous-entendus): comme souvent chez Borzage, les coulisses sont un endroit autrement plus intéressant que la scène elle-même. Toutefois un très beau plan résume à la fin le point de vue de Nina et sa réalisation de l'importance du travail de son mari, alors qu'elle assiste celui-ci sur l'opération visant à sauver le docteur Ruyter: elle lève la tête et aperçoit, assemblés dans un silence admiratif, un groupe de médecins venus assister à l'opération. devant leur admiration, elle baisse les armes, et se dévouera enfin de nouveau à l'homme qu'elle aime. Pas très féministe, tout ça...

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Published by François Massarelli - dans Frank Borzage Pre-code