Sorti quelques mois à peine après Old Wives for new, ce nouveau film du cycle de comédies est un véritable chef d'oeuvre, constammant réjouissant. Il est à l'origine de tout un pan glorieux du cinéma Américain, et on pourrait sans aucun doute évoquer des cousinages stylistiques et thématiques avec les oeuvres de Lois Weber (Too wise wives, en 1921), Stroheim (Foolish wives, 1922 mais aussi l'utilisation du détail, le sens des objets et la mise en oeuvre des signes dans tous ses films) ou bien sur Lubitsch (The Marriage circle, 1924, pour ne citer que celui-ci). L'un des grands atouts de ce nouveau film, c'est bien sur l'inversion par rapport au précédent qui se focalisait sur un héros. C'est non seulement une femme qui est au centre du film, mais qui plus est, elle est incarnée par Gloria Swanson, qui prète son expressivité géniale, en particulier, à une batterie de gros plans ravageurs qui ne rompent jamais le rythme de l'ensemble.
Au couple du film précédent se substitue un nouveau mariage dont l'épouse déplore le ronronnement, surtout lorsqu'à la faveur d'une soirée elle peut comparer son mari (Eliott Dexter, de retour) avec un bellâtre. Elle finit par demander le divorce, et découvrira chez son nouveau galant des défauts encore pires que ceux de son ex-mari, celui-ci profitant de la séparation pour changer et se réformer. Par dessus le marché, son nouveau mari la trompe, et elle reviendra vers son mari, et ils vivront bien sur très heureux. Les échos de Old Wives sont légion, mais on pourrait citer les acteurs (Sylvia Ashton métamorphosée, Elliott Dexter bien sur, Theodore Roberts, et la jolie Julia Faye, dans un role secondaire révélateur pour les principaux protagonistes), l'environnement des héros, qui sont une fois de plus (Il faudra s'y habituer...) des bourgeois aisés aux professions libérales évoluant dans des maisons luxueuses, et une obsession des détails qui ancrent l'histoire dans la réalité contemporaine; l'un des plus frappants est l'utilisation de gramophones, paradoxaux pour un film muet, permettant à la caméra d'enregistrer les étiquettes des disques qu'écoutent les protagonistes, mélodies d'époque bien sur mais surtout miroirs des situations dans lesquelles ils évoluent; autres détails, la façon dont Gloria Swanson compare ses maris, détaillant les qualités du nouveau, et les défauts du précédent (Les chaussures élimées de l'un, les bottines flambant neuves de l'autre; les mauvais cigares de l'un contre le fume-cigarettes de l'autre, etc...); à ces réemplois et variations stylistiques, viennent s'ajouter des échos internes au film, cohérents et très lisibles, qui utilisent les gags de l'histoire de façon dynamique: ainsi, un détail récurrent et trivial peut-il prendre un relief inattendu: l'obsession de son mari pour les oignons empêche à un moment l'héroïne de l'embrasser, mais chez son nouveau mari, c'est l'odeur de l'alcool qu'elle décèle. Ces deux anecdotes, l'une et l'autre déterminantes, sont racontées strictement par les images. Nous sommes, déja, un peu chez Lubitsch.
Une innovation presque anodine, ici, aura une intéressante résonnance: lorsque le bellâtre tente de séduire Swanson, il lui fait miroiter des situations qui déclenchent chez elles des visions fantasmatiques; ces visions sont l'une des premières incarnations des obsessions mythologico-biblico-passéistes et érotiques de l'auteur, et on le sait, elles auront une impressionnante descendance... Il reviendra très vites sur ces inserts.
Un aspect inévitable du film, dont il ne me semble pas trop pertinent de se plaindre, est l'incroyable futilité du personnage de Leila (Swanson), qui juge beaucoup sur l'apparence; c'est d'une part typique de l'époque, ou encore de l'impression qu'on se fait des femmes de cette fin de décennie: futile, certes, mais son obsession du paraître va de fait provoquer chez son mari une véritable prise de conscience des liens de tendresse qui les unissent, le véritable sujet à n'en pas douter. De plus, ce désir de se changer selon les désirs de son épouse va lui permettre à plusieurs reprises de faire preuve d'une grande noblesse; par contre, on pourrait épiloguer (Inutilement, mais bon) sans fin sur la dure loi du genre, qui impose à Sylvia Ashton de couler son mariage dans Old Wives for new, alors que Elliott Dexter le sauve dans Don't change your husband. C'est d'autant plus inutile que tout, pour les deux films, est dans le titre. Nous étions donc prévenus.