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10 juin 2024 1 10 /06 /juin /2024 14:48

Au moment d'aborder son quatrième film lors de ses entretiens avec François Truffaut, Hitchcock sur la défensive part bille en tête sur l'hypothèse que Downhill est un fort mauvais film. Ce qui est étonnant, et Truffaut de son côté ne manque pas de le noter... Peut-être Hitchcock a-t-il difficilement digéré, après avoir réussi à imposer son style et ses idées dans un film entièrement fait selon son coeur (The lodger) de devoir à nouveau composer avec d'autres (Producteur, scénariste en vue, et pour couronner le tout, ce dernier est aussi l'acteur en vue de ce film...). On a pourtant ici un aspect plus qu'intéressant: le film parle après tout d'un thème qu'il a déjà abordé dans The lodger, et dont on sait à quel point il lui sera cher toute sa carrière durant: le faux coupable...

Roddy Berwick (Ivor Novello) est un jeune étudiant auquel tout réussit: son père est justement fier de lui. Mais un jour, tout bascule: une jeune femme qui travaille dans une boutique proche de l'université l'accuse d'avoir piqué dans la caisse; il ne l'a pas fait, mais connait le coupable, et pour l'honneur de l'université refuse de le dénoncer. Il est exclu, puis son père le déshérite... il doit quitter le confortable domicile familial, son avenir, et toute perspective de bonheur, tout ça pour rien... Il se retrouve vite dans la déchéance, fait un héritage imprévu qu'il va dilapider dans un mariage absurde, et va aller plus bas encore...

Les motifs de satisfaction ne manqueraient pas pour le jeune Hitchcock ici: d'une part, son désir de tout faire passer par l'image à l'instar de son maître Murnau se concrétise souvent, et avec d'excellentes idées; ensuite, il donne à voir un film bien de son temps, rythmé par une musique omniprésente, ce qui est étonnant pour un film muet! Et surtout, il donne vie au titre et à l'idée de déchéance qu'il contient, en montrant à l'issue de chaque nouvelle expérience Roddy Berwick sur une pente descendante, avec à chaque fois une nouvelle façon de le dire, toujours intégrée dans la dynamique de l'histoire: l'escalier chez ses parents, un escalator, un ascenseur, jusqu'à un escalier miteux dans une maison Marseillaise, ou une passerelle qui le mène, à demi-conscient vers un bateau.

Mais là ou on suivrait malgré tout le metteur en scène, c'est lorsqu'on s'aperçoit que toute cette déchéance repose sur du vide... Ce qui rend The lodger si fort, c'est l'ambiguité du personnage principal... Cette impression qu'il ne lui faudrait pas grand chose, comme tant de héros Hitchcockiens dont certains franchiront la ligne jaune d'ailleurs, pour être un vrai coupable. Roddy Berwick et son code d'honneur, coupable de rien, mais qui perd son droit d'appartenance au système de valeurs conservatrices hérité de dizaines de Lords hautains et condescendants, manque cruellement d'intérêt, aussi bien pour nous que pour un Hitchcock qui a si souvent dépeint la classe ouvrière Londonnienne avec tant d'esprit et d'affection. Et on serait parfois presque tenté de ricaner, notamment lorsqu'il tombe dans les griffes d'une chasseuse d'héritiers en mal d'épouse, interprétée par Isabel Jeans, accompagnée de l'excellent Ian Hunter qui joue son complice en affaires. Là se niche sans doute la raison du désamour d'Hitchcock pour ce film, et le fait qu'il s'agit quand même d'un long métrage mineur, assurément.

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Muet 1927 **