Classique paradoxal, Dracula en 1931 inaugurait un cycle impressionnant de films fantastiques dont l'héritage serait indélébile jusqu'à nos jours, tout en concrétisant de façon éclatante les promesses de films muets gothiques (The phantom of the opera, Hunchback of Notre-dame, The cat and the canary, The man who laughs, Seven steps to satan) qui ont progressivement accoutumé le public à des ambiances fantastiques. La photo de Karl freund vulgarisait de façon éclatante le style virtuose des films Allemands du début des années 20, et la mise en scène de Tod Browning permettait à celui-ci d'expérimenter son talent pictural étrange... Tout en proposant un film plus que médiocre.
Dracula est un paradoxe, parce qu'il a été préparé de nombreuses années durant, sans pour autant entrer en production, la pièce de théâtre adaptée étant un franc succès dont il fallait tirer tout le jus. et puis la mort de Paul Leni, pressenti pour tourner le film, n'a pas arrangé les choses. Donc une fois le feu vert donné, on a le sentiment que tout ça a été fait vite, et mal. Soyons clair: le travail de Karl Freund est fantastique, et le style "illusionniste de foire" de Browning se prête visuellement de façon très appropriée au film, mais que tout cela est lent... et certains acteurs (L'affreux Dwight Frye, Everett Van Sloan, Helen Chandler) sont tellement déplacés, on ne peut que donner raison à tous ceux qui favorisent la version Espagnole tournée par Melford en parallèle...
Browning n'était pas pour rien un passionné de magie théâtrale: l'impression ici est qu'il n'y croit pas une seconde. Et pourtant, Lugosi, les poses hallucinantes, l'utilisation du silence, les décors énormes: l'influence qu'a eue ce film raté est encore prégnante aujourd'hui... Et l'un des films les plus intéressants dans son sillage reste sans doute le fameux Mark of the Vampire, de... Tod Browning, avec Bela Lugosi, bien sur. Quant au cycle de la Universal, il allait autant, sinon plus, profiter de la poésie nettement plus assumée du très beau Frankenstein de James Whale. Ouf!