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Le 6e film des frères Coen est la rencontre parfaite entre le film noir contemporain et la comédie, et un des films les plus directs qui soient... Situé entre Minnesota (L'état ou les deux frères ont grandi) et Dakota du nord, on peut en fait considérer aussi qu'il y a une part autobiographique tordue devant cette histoire qui met en scène des petites gens des environs, à l'accent Américano-Nordique très prononcé (On notera le jeu sur les "yah!" ). Le film revient par ailleurs en arrière en utilisant les personnages codés du film noir, comme Blood Simple en 1984, mais en les sortant du cadre strict du film policier... Autre apparente redite, on assiste ici à un enlèvement (ce qui sera à nouveau le cas d'un ou deux aspects de The big Lebowski et The man who wasn't there, incidemment), mais ce n'est pas un vrai: Jerry Lundergaard, un minable qui a épousé la fille de son patron, possesseur du concessionnaire automobile qui l'emploie, décide de fomenter avec l'aide d'un truand un faux kidnapping de son épouse, ainsi son beau-père paiera. Mais grains de sable sur grains de sable, morts violentes en cascade, vont empêcher dès le départ la bonne tenue du plan...
La construction de ce film, qui s'avère donc une étude de l'échec et de ses mécanismes, repose sur trois actes, séparés par deux fondus; dans le premier, on voit la rencontre entre Lundergaard (William H. Macy, veule et pleutre à souhait) et les deux truands qui ont répondu à l'appel, le laconique et dangereux Gaear Grimsrud (Peter Stormare), et Carl Showalter (Steve Buscemi), qui lui au contraire parle trop. L'arrangement est simple: Jerry négocie auprès du beau-père, et les trois se partagent la rançon. On apprend vite que Lundergaard a des ennuis jusqu'au cou, avec des prêts crapuleux, des comptes falsifiés, etc... par ailleurs, son beau-père (Harve Presnell) le méprise ouvertement. Les deux truands sont tellement dissemblables, et Grimsrud est tellement étrange, qu'on sait dès le départ qu'il y a aura des embrouilles. Quant au kidnapping, il se déroule sans heurts, et illustre bien le mélange typique du film entre narration et action violentes, et comique de décalage et de situation... La première partie se clôt sur un massacre, lorsque les deux truands sont arrêtés par un policier, en plein milieu d'une route, et que le policier mais aussi deux témoins sont froidement abattus par Grimsrud, aussi efficace qu'il est laconique...
Dans la deuxième partie on fait la connaissance d'un fin limier d'un genre nouveau, Marge Gunderson: enceinte jusqu'aux yeux, locale jusqu'aux sourcils, elle promène son ventre en relief et son bon sens nordique d'un lieu de crime à l'autre, et est aussi efficace que Droopy. Elle est interprétée avec génie par Frances McDormand. Dans cette partie, on voit le plan s'enrayer de multiples façons, en particulier lorsque le beau-père répugne à faire confiance à Jerry, mais aussi à se séparer de l'argent réclamé pour sauver sa fille. On voit aussi que Jerry ne parle pas de mêmes chiffres à son beau-père et aux "Kidnappeurs"... Enfin, l'entente déjà fragile entre ces deux-là se lézarde, et Carl fait de plus en plus cavalier seul. Une sous-intrigue, soulignant la duplicité et les coups tordus, montre Marge qui reprend contact avec un ami de lycée qui lui fait le numéro de l'époux veuf trop tôt. Elle apprend peu après la vérité, tout en continuant son enquête.
Dans la troisième partie, tout arrive à sa conclusion logique, et les morts s'accumulent: le vieux Gustafson, le beau-père; Carl; L'épouse; un pauvre type à un péage de parking, etc... Jerry a de plus en plus de mal aussi bien à assumer son plan, qu'à dissimuler la minable vie de tromperie qu'il mène. Quant à l'argent que tous convoitent, il est "planqué" par Carl, dans un champ enneigé, au milieu de nulle part... Il sera d'ailleurs récupéré sur cette même route quelques semaines plus tard, dans un épisode de la série dérivée Fargo, mais c'est une autre histoire et un autre contexte.
Des objets, isolés dans la brume neigeuse, des champs enneigés à perte de vue: les frères Coen utilisent le coté cotonneux de la saison hivernale de façon magistrale, dans des plans dont la composition renvoie au flou de l'horizon, et à l'isolement des êtres. Seuls, Marge et son mari Norm ont le droit dans cette histoire de minables (Située, comme le film suivant The big Lebowski, dans un passé proche, cette fois 1987) d'assumer tranquillement un bonheur à deux. tous les autres mentent (Jerry), truandent (Le vieux Gustafson pique un bon plan financier à Jerry sans aucun scrupule), font semblant (les prostituées, escort girls, ou autres filles de passage qui rencontrent le chemin des deux tueurs chaotiques)... Pourtant, dans ce film drôle et au rythme parfait, la mort rode, et elle n'est pas commode, comme en témoigne la scène baroque dont Marge, au détour d'un petit bois tout enjolivé de neige, va être le témoin... Avec du rouge un peu partout. Caustique, digne, dans son flux et son ambiance, et particulièrement méchant, je tiens Fargo pour le chef d'oeuvre des frères Coen.
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