Des numéros musicaux, justifiés par une intrigue située dans le milieu du spectacle, des femmes filmées sous tous les angles, des hordes de danseurs et danseuses amoureusement tricotés les uns aux autres, et des sujets de ballets qui sont tous plus fripons les uns que les autres, le tout sous la bienveillante surveillance du président Roosevelt... Oui, ceci est bien une comédie musicale pré-Code de Warner avec Busby Berkeley à la réalisation des séquences chorégraphiées... Certes, officiellement, le film n'est que de Lloyd Bacon, mais comment tiendrait-il debout sans l'incroyable invention de Berkeley? Comme avant lui 42nd Street, et Gold diggers of 1933, ce film est entièrement dévolu à la création par Bacon des conditions qui vont permettre à Berkeley de dégainer ses incroyables numéros...
Dans ce film, qui retourne à l'inévitable intrigue urgente de 42nd street (Lancer un show dans des conditions difficiles, comme si sa vie en dépendait), nous avons une compagnie dont le gagne-pain est de réaliser des prologues dansés pour les cinéma des grands boulevards, mais dopée par la concurrence avec un autre studio. L'énergie déployée par les artistes est phénoménale, et le résultat doit être à la hauteur... Il le sera, aucun doute là-dessus. Mais la supériorité de ce film sur les autres tient à une alchimie particulière... qui tient en deux mots: James Cagney. Parce que tout le reste de l'équipe est bien là, mais ce film est le seul des films musicaux de ces années glorieuses dans lequel l'acteur joue, et imprime son style (En concurrence avec Joan Blondell, qui est comme d'habitude parfaite...). et Footlight parade tient aussi sur un petit suspense: Cagney dansera-t-il?
...Oui, il dansera, et c'est l'un des ingrédients qui donnent force et cohésion au film: le rythme est soutenu, mais entièrement basé sur la montée de l'adrénaline tant pour les artistes que pour les spectateurs. Mais la façon dont le personnage de Cagney s'implique lui permet de s'insérer dans un numéro, et de l'habiter sans jamais démériter. Oh, bien sur, il ne chante pas bien, mais sa partenaire Ruby Keeler, qui avait toujours deux ou trois chansons pour elle dans ses films, est pire. Mais l'intrusion de Cagney dans les ballets est ce qui permet au film de lier les deux styles sans couture apparente.
Et puis il y a les numéros, qui à part pour l'un d'entre eux, d'ailleurs le plus faible, sont enchaînés dans les 37 dernières minutes. Que du bonheur, avec les épices secrètes: corps féminins alanguis, rassemblés dans l'eau pour dessiner d'improbables corolles, puis montés les uns à coté des autres dans une fontaine humaine (By a waterfall). Les situations graveleuses de The Honeymoon Hotel sont suivies d'un final patriotique un peu fripon dans lequel les marins américains trouvent le repos du guerrier dans une fumerie d'opium... C'est incroyable, filmé au plus près des corps, avec d'impossibles costumes et tellement de sous-entendus qu'on en remplirait un dictionnaire... 104 minutes à l'écart du monde.