Alors que le parlant s'installe, Lang et Von Harbou mettent en chantier ce qui sera leur dernier film muet, un film extravagant et inventif, mais qui peine aujourd'hui à passionner au même titre que d'autres oeuvres du tandem... Ceux-ci ont, il faut le dire, mis la barre haute, et tout comme en dépit de ses mérites, le précédent film Spione (Les Espions) ressemblait à une redite (En gros, l'atmosphère de Mabuse, sans Mabuse!), et peut aujourd'hui décevoir le spectateur de Metropolis, Die Nibelungen ou Dr Mabuse der Spieler, la dernière production de Lang pour UFA semble parfois terne malgré ses avancées, sa cohérence et le soin particulier apporté à ses décors. Après tout, si ce n'est pas la première fois qu'un cinéaste envoie ses acteurs sur la lune, c'est toujours l'occasion de mettre les petits plats dans les grands.

Comme tout film de science-fiction, La femme dans la lune crée des précédents incontournables tout en se livrant pieds et poings liés au ridicule en cas de progrès scientifique dans le domaine qu'il explore. Donc, depuis la sortie de ce film, on sait qu'il n'y a pas d'atmosphère sur la lune, mais pour le reste, Lang et Harbou se sont entourés de scientifiques qui ont essayé de rendre le film aussi intelligent que possible. Comme on ne se refait pas, le cinéaste a expérimenté en matière de suspense avec un concept qui est aujourd'hui devenu tellement monnaie courante qu'on ne le remarque même plus: le compte à rebours, au moment du décollage de la fusée qui emporte les héros, est une première!
Rappelons brièvement l'histoire, qui permet d'assaisonner la science fiction d'un savant dosage d'espionnage à la Lang: L'ambitieux Helius projette, avec l'aide du professeur Manfeldt, un savant rejeté par l'académie pour avoir fait état de sa certitude de la présence d'or sur la lune, de se rendre sur le satellite. Son idée attire les convoitises, en particulier celles d'un groupe international d'affairistes véreux, mené par un Américain qui répond au nom de Turner. Ceux-ci réussissent à faire pression sur Helius pour que Turner participe à l'expédition, qui emmênera sur la lune non seulement Helius, Turner, et le professeur Manfeldt, mais aussi un couple d'amis de Helius, dont la femme qu'il aime, Friede, et un passager clandestin de 10 ans...
Le suspense du film est concentré sur deux passages remarquables: le lancement de la fusée, dont Lang délaye le départ avec un saidisme remarquable, et vers la fin du film le moment ou Turner, sur la lune, commence à se retourner contre ses "hôtes" et essaie de faire cavalier seul en repartant sans les autres. Un passage dont Hergé se souviendra quelques années plus tard... L'esthétique de la lune reconstituée dans les plateaux UFA est remarquable, même si elle est totalement fausse par rapport à la vérité scientifique! mais le principal défaut de ce film, dont les premières 75 minutes (Les plus traditionnelles pour Lang, qui se réfugie dans le feuilleton à rebondissements) restent à mon sens les meilleurs moments du film (Avec une interprétation dominée par le grand Fritz Rasp dans le rôle de Turner), qui tombe durant la partie lunaire dans un certain ennui... L'idylle et le triangle amoureux laissent gentiment froid, et un sacrifice final peine hélas à nous remobiliser.